Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T16.djvu/130

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
119
VIE DE M. BAYLE.

anticipé cette faveur pour le roi Guillaume, lui ayant donné les couronnes de son beau-père de son vivant. » Il ajoute que les princes les plus animés contre la religion protestante, que la très-auguste maison d’Autriche dont le zèle pour sa religion est assez connu, et tous les princes catholiques d’Allemagne, ont applaudi à cette bienheureuse révolution, et qu’elle était visiblement un ouvrage miraculeux de la providence, qui avait confondu et le conseil de France et celui de Jacques II ; puisque, y ayant une infinité de moyens de traverser puissamment cette entreprise, ils avaient pris précisément la seule route qui la rendait immanquable.

L’Avis aux réfugiés fut imprimé secrètement à la Haye. On y fit d’abord plusieurs réponses. M. Tronchin du Breuil justifia les réfugiés dans ses Lettres sur les matières du temps [1]. M. de Bauval fit voir dans son journal [2] combien les plaintes de cet auteur étaient injustes et déraisonnables ; et M. Coulan, ministre réfugié à Londres [3], répondit plus au long dans un ouvrage intitulé : La Défense des réfugiés contre un livre intitulé Avis, etc. [4]. Voici le jugement que M. Bayle fit de ces réponses, dans un ouvrage publié en 1692. Après avoir désigné l’Avis aux réfugiés, il ajoute [5] : « J’entends cette manière de sermon où l’on nous a censurés d’un prétendu penchant pour les libelles et pour les guerres civiles, avec autant de véhémence que jamais ministre en ait témoigné dans un sermon de jour de jeûne, en décriant ses auditeurs comme coupables de transgression du Décalogue. Et puisque l’occasion s’en présente, continue-t-il, il ne sera pas hors de propos de dire ici que les violens reproches de ce sermonneur ont produit un bon effet. Peut-être ne sont-ils pas cause que les méchans petits livres satiriques tombent un peu moins dru parmi nous qu’auparavant ; mais au moins est-il certain qu’ils ont obligé les plus excellentes plumes du parti à faire savoir au public que c’est à tort qu’on veut rendre le corps des réfugiés responsable de ces mauvais livres : si bien que dans toute la postérité nous aurons des actes contemporains pour nous purger des malignes imputations qu’on tâchera de verser sur notre cause. Qu’on ne dise pas que ces excellentes plumes qui ont donné le désaveu l’ont fait anonymement ; car ayant répondu pour le général, sans que personne se soit pourvu contre leur déclaration, c’est une marque que le corps y acquiesce. Joignez à cela que le nom de celui qui écrit tous les quinze jours sur les matières du temps d’une

  1. Lettres sur les matières du temps ; lettre du 1 et du 15 de mai, du 1 de juin et du 1 de septembre 1690.
  2. Histoire des ouvrages des savans, avril 1690, art. X, p. 364.
  3. Antoine Coulan, né à Alais le 10 d’octobre 1667. Il mourut à Londres le 23 de septembre 1694. Son père, ministre réfugié à Amsterdam, publia, en 1696, un ouvrage posthume de ce fils, contre M. Simon, intitulé : Examen de l’Histoire critique du Nouveau Testament, etc.
  4. À Deventer, 1691, in-12, p. 157.
  5. Projet et fragment d’un Dictionnaire critique, p. 110.