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VIE DE M. BAYLE.

ment que les réfugiés étant en lieu de pouvoir se plaindre en liberté des traitemens barbares et véritablement dignes de la religion de l’Antechrist, autant qu’indignes de toute sorte d’humanité, qu’ils ont soufferts en leur pays, ont publié leurs plaintes contre la France assez vivement. C’est, en second lieu, que les protestans de l’Angleterre et de l’Écosse n’ont pas été assez simples, après tant d’expériences qu’on a de la mauvaise foi et de la cruauté de l’église romaine, de se laisser mener à la tuerie comme des brebis muettes, ayant mieux aimé, selon les lois et les priviléges de leur nation, secouer le joug, s’affranchir de l’esclavage, et recevoir le libérateur que Dieu leur a suscité, comme il fit souvent à son peuple d’Israël au temps des juges. » Il ajoute qu’il a résolu de faire à cet ancien ami une réponse si vigoureuse, qu’il se repentirait de l’avoir si durement et si malignement provoqué, mais que l’on connaîtrait bien mieux la justice de son ressentiment, si on voyait cet écrit tel qu’il l’avait reçu ; qu’il en avait retranché une infinité d’endroits d’un emportement inouï, et n’avait conservé que certaines choses qu’il se proposait de discuter et de réfuter exactement dans la réponse qui préparait. Il donne le plan de cette réponse, et ajoute qu’en attendant qu’elle parût, il avait jugé à propos de publier cet écrit, afin que ses frères sussent sur quel pied on les regarde et quelles réflexions empoisonnées on fait contre eux, espérant que quelqu’un prendrait la plume pour faire leur apologie, en ne s’arrêtant qu’au gros de ces deux points, les écrits satiriques et les écrits séditieux, pendant qu’il épluchera les autres articles par le menu, et qu’il n’y laissera rien qu’il ne réfute amplement et fortement. Il invite l’auteur des Lettres sur les matières du temps à le faire, et dit qu’il y est d’autant plus intéressé, qu’on l’a mis au rang des auteurs qu’on traite de satiriques. « Il sera très-aisé, ajoute-t-il, de justifier nos réfugiés, car, m’étant adressé par lettre à quelques amis de Hollande, on m’a assuré 1o. que les écrits concernant des aventures amoureuses, où des personnes de la première qualité sont diffamées, ont été composés par des papistes, dès avant qu’il y eût des réfugiés ; 2o. que les nouvellistes dont la France se peut plaindre le plus ne sont point des réfugiés, et qu’il y en a même qui ne sont point Français. » Il rend compte des changemens qu’il a faits dans l’écrit de son ami, et finit par l’éloge du roi Guillaume, favori de Dieu. « On le peut à bon droit, dit-il, surnommer tel et lui appliquer ce que l’Écriture dit de David, que Dieu a trouvé en lui un homme selon son cœur, qu’il l’a conduit par la main et l’a fait seoir sur le trône ; avec cette avantageuse différence qu’au lieu que David ne fut mis en possession du royaume de son beau-père réprouvé de Dieu, que quelque temps après sa mort, Dieu a