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VIE DE M. BAYLE.

récrimination à des gens dont les cruautés sont si générales ; 4o. enfin que la pratique des réformes les justifie assez, puis que depuis Servet il ne se trouve pas que l’on ait puni des sociniens parmi eux, et que jamais on n’a étendu la théorie de Calvin sur les papistes. » Pour ce qui regarde la prise d’armes des sujets opprimés pour cause de religion, il dit que des gens très-habiles et très-pieux l’ont assuré qu’elle était licite lorsque les sujets n’avaient pour but que de se procurer la liberté de suivre les lumières de leur conscience, prêts en toute autre chose à donner des marques de leur fidélité à leur souverain ; qu’ainsi les réformés ne doivent pas avoir honte de ce que leurs pères avaient pu dire et faire à cet égard. Il lui envoie les deux dernières Lettres pastorales de M. Jurieu, et l’exhorte à rentrer dans l’église protestante. « Vous ne sauriez mieux prendre votre temps, dit-il, pour vous retirer du milieu de la Babylone spirituelle. Vous pourriez bien vous y perdre pour le temps aussi-bien que pour l’éternité, et les grands succès dont Dieu a déjà favorisé la sainte et héroïque expédition du plus accompli prince qui soit aujourd’hui sur la terre, nous font voir que le temps est enfin venu où la vraie Église doit jouir d’une florissante prospérité. Vous m’entendez, vous savez que je ne veux pas seulement dire que tout va mal en Angleterre pour vous, mais aussi que Dieu a frappé vos rois et le pape plus que tous les autres du plus grand étourdissement qui se soit vu, et le plus fécond en bévues. »

Le nouveau converti commence sa réponse par la critique d’une des pastorales, et ensuite il examine les quatre réponses qu’on avait fournies au réfugié, touchant Servet ; il les réduit à ces quatre questions : « 1o. Si le supplice de Servet vint de la mauvaise humeur de quelque particulier, ou s’il fut communément approuvé par les protestans ; 2o. si les protestans d’aujourd’hui ont d’autres pensées que ceux du siècle précédent sur le supplice des hérétiques ; 3o. si la doctrine des réformateurs sur la peine des hérétiques se peut justifier en disant qu’elle ne regardait qu’un petit nombre d’hérétiques en comparaison du grand nombre d’errans que les docteurs catholiques estimaient punissables ; 4o. si la pratique des calvinistes à l’égard de la peine des hérétiques, peut justifier les dogmes de leurs théologiens là-dessus. » Le nouveau converti prend la négative sur toutes ces questions ; et, en réfutant la seconde, il réfute en même temps ce que M. Bayle, dans sa Critique générale, et M. de Jurieu, dans son Apologie de la réformation, avaient répondu à M. Maimbourg sur le sujet de Servet, et ce que M. Jurieu, dans ses Pastorales, et M. Roux, dans sa Séduction éludée, avaient répondu sur le même sujet à M. l’évêque de Meaux. Jusques ici il garda beaucoup de modération ; mais