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VIE DE M. BAYLE.

fois que j’entends dire qu’il court tel et tel livre. »

Tous les gens de lettres avaient été affligés de la maladie de M. Bayle : ils furent ravis d’apprendre son rétablissement. M. du Tot de Ferrare, conseiller au parlement de Rouen, homme de beaucoup de mérite, et très-versé dans le style lapidaire [1], en témoigna sa joie par cette belle inscription :

In
Doctissimi Bælii
Sanitatem restitutam

SOTERIA.
Quæ te mori vetat Gloria,

Ægrotare prohibet.
Omnibus carus et utilis
Scriptores
Critica face elucidas ti,
Censoria nota emendasti.
Quæsitor urnam movens
Magnum in nomen ituros
Æternitati
Pronuba manu dicasti.
Laboribus tuis alienos absumis,
Deliciis nostris nusquam absumendus,
In hoc venerandus,
Quod neminem contempsisti,
Is hoc verendus,
Quod neminem formidasti :
Dignus qui veritatis annos exæques,
Qui labantem sustentas cognatam veritati
Libertatem ;
Non ad unius utilitatem regionis natus,
Ita exilium toleras,
Ut vidranis optasse :
Ita cunctos eminus cominus reficis,
Ut vix credaris ullibi abesse.
Theatrum eruditionis circumductile
Factus es orbi.
Subsellia quæ dicendo fatigare non potes,
Te silentem ferre,
Te quinscente quiescere
Ne spera.

VALE, VIVE, SCRIBE.
Encænia renovatæ facundiæ

Faustis literatorum acclamationibus
Celebrantur.

1688.

M. Bayle avait songé à quitter Rotterdam. La mort de M. Paets et l’humeur violente de M. Jurieu l’en avaient dégoûté. Il pria le célèbre M. Abbadie, qui était alors à Berlin, de lui procurer un établissement dans cette ville. Il savait que l’électeur de Brandebourg protégeait généreusement les Français réfugiés : d’ailleurs il avait plusieurs amis à Berlin. M. Abbadie s’adressa à madame la maréchale de Schomberg, qui, connaissant le mérite de M. Bayle, répondit qu’elle était charmée du dessein qu’il avait de venir à Berlin, et promit d’engager M. de Schomberg à en parler à l’électeur. Mais ce grand prince tomba malade dans ce temps-là, et sa mort [2] empêcha les effets de la bonne volonté de madame de Schomberg.

M. Bayle fit publier au revers du titre des Nouvelles de la république des lettres du mois d’octobre 1687, cet avertissement sous le nom du libraire : « Nous avons reçu une lettre datée de Londres, par laquelle on nous donne avis que Jean Fox de Bruggs est le véritable nom par anagramme de l’auteur du Commentaire philosophique, et qu’il nous donnera bientôt occasion de parler de la réponse qu’il fait imprimer au traité Des droits des deux souverains. » (C’était pour préparer le public à voir bientôt une suite du Commentaire philosophique. Elle parut, en effet, sous ce titre : Supplément du Commentaire philosophique sur ces paroles de Jésus-Christ, Contrains-les d’entrer, où entre autres choses l’on achève de ruiner la seule échappatoire qui restait aux adversaires, en démon-

  1. Voyez son éloge dans les Mémoires pour l’Histoire des sciences et des beaux-arts, décembre 1704, art. IV, p. 440 et suiv. ; édit. de Hollande.
  2. Il mourut le 9 de mai 1688.