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VIE DE M. BAYLE.

donner ce nom-là pour réveiller toutes les idées de sa royauté, de ses qualités, et de ses actions. Comme donc ce n’est point manquer de respect pour le père que de le nommer simplement Gustave, ce n’est point en manquer pour la fille que de la nommer simplement Christine ; mais, au contraire, c’est vouloir insinuer qu’ils méritent leur nom par excellence, et qu’il enferme lui seul tout leur éloge.

» La 2e. plainte roule sur ce que j’ai dit que la lettre de cette reine contre les persécutions de France est un reste de protestantisme. On se plaint de cela fort violemment. Mais c’est qu’on n’a pas compris la force de ces paroles. On s’est imaginé que j’ai voulu dire que cette princesse n’avait pas abjuré sincèrement la religion protestante, et c’est à quoi je n’ai pas seulement songé. Il n’est pas nécessaire pour quitter sincèrement une religion de se dépouiller de tout ce qu’on y a appris, et d’embrasser généralement tout ce qui s’enseigne dans la communion où l’on passe. Je trouverais fort injustes ceux qui tiendraient pour suspecte la conversion d’un catholique romain qui, après s’être rangé à la communion des protestans, déclarerait qu’en certaines choses l’église romaine lui semble meilleure que la protestante, comme dans le célibat des prêtres, dans le carême, dans les jeûnes du vendredi et du samedi. On aurait raison de croire que ce seraient des restes de catholicisme ; mais on pourrait dire cela sans cesser de croire qu’il aurait abjuré de bonne foi son catholicisme, et embrassé le protestantisme comme la seule religion qui mène au port de salut. C’est donc juger des choses sans les comprendre, que de donner à mon expression le sens qu’on lui donne. Voici le sens qu’on doit lui donner.

» Que si la reine de Suède désapprouve la conduite des convertisseurs de France, c’est en vertu des principes de religion qu’elle avait appris avant son voyage de Rome, et non pas à cause des nouvelles instructions qu’on lui a données en ce pays-là. Ce n’est point à Rome qu’on peut apprendre à blâmer les persécutions. Il est même vrai que l’esprit général du catholicisme est d’exterminer les sectes, car non-seulement on a fait à Rome des réjouissances publiques pour ce qui s’est fait en France, non-seulement le pape en a fait l’éloge en plein consistoire et par des brefs, mais aussi tous les catholiques de l’Europe y ont donné leur approbation, du moins par leur silence. Comment est-ce donc que la reine de Suède aurait les maximes qu’elle a, si elle ne les avait apportées de son pays ? C’est, dit l’auteur de la lettre, qu’elle n’est point catholique à la manière de France, elle l’est à la manière de Rome, c’est-à-dire, de saint Pierre et de saint Paul. Mais c’est ce que l’on a appelé restes de protestantisme, et ainsi cet auteur et