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ZOROASTRE.

me parmi les Perses, était issu de Bélus. Cela signifie qu’il était issu de Nemrod. Quelques-uns l’ont pris pour Nemrod même[a] ; quelques autres, ou pour Assur, ou pour Japhet. Les anciens Persans veulent tous que Zoroastre soit plus ancien que Moïse ; et il y a des mages qui prétendent même qu’il est le même qu’Abraham, et qui l’appellent souvent Ibrahim Zerdascht, comme qui dirait, Abraham, l’ami du feu[b]. Les chrétiens orientaux disent que Zoroastre commença à paraître sous le règne de Cambyses ; qu’il était natif de la province de Médie ; mais d’autres le font Assyrien, et veulent qu’il ait été disciple du prophète Élie[c]Ben Schuhnah dit qu’il fut disciple d’Esdras, et que ce prophète lui donna sa malédiction, à cause qu’il soutenait des opinions fort opposées aux principes de la loi judaïque et qu’il devint lépreux pour punition de son impiété ; et qu’ayant été à ce sujet chassé de Jérusalem il se retira en Perse, où il se fit l’auteur d’une nouvelle religion[d]. Quelques-uns l’ont pris pour le prophète Ézéchiel[e], et l’on ne peut disconvenir qu’ils ne se fondent sur quantité de conformités entre ce qui appartient à l’un et ce qui est raconté de l’autre[f]. George Hormius s’est imaginé que Zoroastre est le faux prophète Balaam[g]. M. Huet montre que c’est le Moïse des Juifs, et il rapporte une infinité de convenances entre ce que l’Écriture nous apprend de Moïse, et ce que les auteurs païens ont débité de Zoroastre[h]. Il n’y a guère de gens qui ne croient qu’il y a plusieurs Zoroastres, tout comme plusieurs Jupiters et plusieurs Hercules. Voyez le Traité de Thomas Stanlei[i] ; que M. Leclerc a mis en latin : vous y trouverez[j] un Zoroastre chaldéen, un bactrien, un perse, un pamphylien, un proconnésien et un babylonien[k]. On a tort de croire que Zoroastre ait enseigné la magie diabolique ; car sa magie n’était autre chose que l’étude de la nature divine et du culte religieux. Platon le déclare formellement (D). Mais si à cet égard-là il est facile de le disculper, il est malaisé de la faire sur le dogme des deux principes ; tant la présomption est grande qu’il a enseigné actuellement qu’il y avait deux causes coéternelles, l’une des bonnes choses, l’autre des méchantes (E). M. Hyde, dans son excellent Traité de la Religion des anciens Perses, cite des auteurs qui le disculpent sur ce point-là. Nous examinerons s’ils méritent d’être crus (F). On veut même qu’il n’ait pas été idolâtre, ni quant au culte du feu, ni quant à celui de Mithra (G). Ce qui parait de moins incertain, parmi tant de choses que l’on conte de cet homme, est qu’il a été

  1. Voyez M. Huet, Demonstr. evangel., propos. IV. cap. V, pag. 150.
  2. Herbelot, Biblioth. Orientale, p. 931.
  3. Le même, là même, ex Abulpharagio.
  4. Là même, pag. 932.
  5. Huetius, Demonstr. Evang., propos. IV, cap. V, pag. 151.
  6. Idem, ibid., pag. 458.
  7. Hornius, Histor. Philos., lib. II, cap. IV, pag. 79, 80.
  8. Huetius, Demonstr. Evang., propos. IV, cap. V, pag. 149 et seq.
  9. Intitulé Historia Philosophiæ orientalis.
  10. Au chapitre II du Ier livre.
  11. Voyez la rem. (B) vers la fin.