Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T15.djvu/86

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
78
ZIA.

Consultez le Dictionnaire de Moréri au mot Zéa. C’est à ce mot qu’on aurait dû renvoyer plutôt qu’à celui de Cée, quand on a marqué celui de Zia.

(A) Cette longueur avait compris cinq cents stades, ou soixante-deux mille cinq cents pas. ] Pline l’assure : M. Baudrand se trompe donc en affirmant, sur le témoignage de cet auteur, que le circuit de l’île de Céa était autrefois de soixante mille pas [1]. Il y a une grande différence entre le circuit d’une île et sa longueur ; et en tout cas il fallait compter, comme son témoin, sans diminuer ses nombres. Il ajoute que présentement le circuit de cette île-là contient à peine quarante mille pas, la mer en ayant dévoré une partie.

(B) Une femme de cette île inventa l’art de filer l’ouvrage des vers à soie, et d’en faire des étoffes. ] Pline et Solin nous l’apprennent. Ex hâc (insulâ) profectam delicatiorem feminis vestem, auctor est Varro [2]. Ceos quæ ut Varro testis est, subtilioris vestis amicula arte lanificæ scientiæ prima in ornamentum fæminarum, dedit [3]. Ce que je vais rapporter est plus précis. Telas araneorum modo texunt (bombyces) ad veste luxumque feminarum, quæ bombycina appellatur. Prima eas redordiri, rursùsque texere invenit in Ceo mulier Pamphila, Latoï filia, non fraudanda gloriâ excogitatæ rationis, ut denudet feminas vestis [4]. Aristote [5] a fourni ce fait à Pline. M. de Saumaise prétend que les paroles d’Aristote doivent s’entendre de l’île de Cos, et que Pline s’est trompé en les entendant de l’île de Céos [6]. Sa prétention n’est pas tout-à-fait sans fondement, mais elle n’est pas incontestable.

(C) La coutume des habitans était de s’empoisonner dès qu’ils étaient parvenus à un certain âge. ] On prétend qu’il y avait une loi qui les engageait à cela. Strabon cite sur ce sujet deux vers de Ménandre, et il croit que les personnes qui avaient passé soixante ans étaient obligées de se conformer à cette loi, afin qu’il restât assez de vivres pour les autres. Παρὰ τούτοις δὲ δοκεῖ τεθῆναί ποτε νόμος, οὗ μέμνηται καὶ Μένανδρος.

Καλὸν τὸ Κείων νόμιμόν ἐστι Φανία
Ὁ μὴ δυνάμενος ζῆν καλῶς, οὐ ζῇ κακῶς.

Προσέταττε γάρ, ὡς ἔοικεν, ὁ νόμος τοῦς ὑπὲρ ἑξήκοντα ἔτη γεγονότας κονεάξεσθαι, τοῦ διαρκεῖν τοῖς ἄλλοις τὴν τροϕήν. i. e. Apud hos lex posita aliquando videtur, cujus meminit etiam Menander :

Optimum Ciorum institutum est Phania
Qui non potest vivere benè, non vivat malè.

Jubebat enim, ut videtur, lex, eos qui sexaginta annos excessissent, cicutam bibere, ut aliis victus sufficeret [7]. Il assure aussi qu’on disait que les habitans de cette île, étant assiégés par ceux d’Athènes, firent un décret qui condamna à mort tous les vieillards, et que là-dessus les Athéniens se retirèrent. Le terme grec κονεάζεσθαι, qui est dans Strabon, doit être changé en celui de κονειάξεσθαι, qui signifie boire de la ciguë. C’est la conjecture de Casaubon [8] : il l’a confirmée par deux passages, l’un d’Héraclide, l’autre d’Élien. Le premier de ces deux auteurs raconte que l’air de l’île de Céa est si bon, que les hommes et surtout les femmes y peuvent vivre long-temps ; mais qu’on ne se prévaut pas de cette faveur de la nature, et qu’avant que de se laisser atteindre par les infirmités de l’âge caduc, on se fait mourir les uns avec du pavot, les autres avec de la ciguë. Οὔσης δὲ ὑγιεινῆς τῆς νήσου, καὶ ἐυγήρων τῶν ἀνθρώπων, μάλιςα δὲ τῶν γυναικῶν, οὐ περιμένουσι γηραιοὶ τελευτὴν, ἀλλὰ πρὶν ἀσθενῆσαι, ἢ πηρωθῆναί τι, οἱ μὲν μήκωνι οἱ δὲ κωνείῳ ἑαυτοὺς ἐξάγουσι. Quum salubri cælo fruatur hæc insula, et extremam senectam attingere ibi hominibus detur, præsertim feminis, non expectant tamen provectæ ætatis qui sunt, fatum

  1. Baudrand. Geograph., tome I, page 251.
  2. Plinius, lib. IV, cap. XII, page m. 453.
  3. Solin, cap. VII, page m. 33.
  4. Plinius, lib. XI, cap. XXII, page 515.
  5. Aristot., Hist. Animal., lib. V, cap. IX, page m. 649.
  6. Salmas., in Solin., page 144.
  7. Strabo, lib. X, page 335.
  8. Casaub., Comment. in hunc locum Strabonis, page m. 165.