Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T15.djvu/77

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
69
ZEUXIS.

cipalement son athlète, sous lequel il mit un vers qui devint célèbre dans la suite [a] (G). Il y a de l’apparence qu’il faisait cas de son Alcmène [b], puisqu’il en fit présent aux Agrigentins. Il ne se piquait pas d’achever bientôt ses tableaux (H). On dit qu’ayant peint une vieille femme, il se mit tellement à rire à la vue de ce portrait, qu’il en mourut. C’est Verrius Flaccus qui le rapporte [c] (I). il y a dans Lucien la description d’un tableau de Zeuxis, qui mérite d’être lue. Ce tableau représentait un centaure femelle. J’avais rassemblé beaucoup de choses pour cet article ; mais je les supprime, à cause du Junius de Picturâ Veterum [d] (K). Je mettrai ici une remarque qui fut insérée dans les additions de mon projet. Elle concerne un ouvrage de Carlo Dati (L). Je n’oublierai point la première que je fis dans cet article du projet. Elle indique quelques imperfections (M) générales du Dictionnaire de M. Moréri.

(A) Il florissait.. vers la 95e. olympiade. ] C’est une faute à M. Moréri ; d’avoir dit tout simplement que Zeuxis vivait dans la 78e. olympiade [1] ; car il ne devait pas ignorer que Pline, qui a marqué la chronologie de ce peintre avec la dernière précision [2], savoir à la quatrième année de la 95e. olympiade [3], réfute ceux qui l’ont placée à la 89e. Je m’étonne que Scaliger n’ait point observé cela de la note qu’il a faite sur l’endroit d’Eusèbe où il est dit que Zeuxis florissait dans la 78e. olympiade. Eusèbe méritait là d’être relevé, puisqu’on ne peut nier, sans démentir presque tous ceux qui parlent de Zeuxis, qu’il n’ait été fort connu d’Archélaüs roi de Macédoine. Or y ayant eu deux Archélaüs, et le premier n’ayant commencé à régner, selon la chronologie d’Eusèbe, qu’au commencement de la 87e. olympiade, il faudrait que Zeuxis fût parvenu, à une vieillesse digne d’être remarquée, si son état florissant tombait à la 78e°. olympiade, et que néanmoins il eût travaillé à la cour d’Archélaüs. J’avoue que ce ne sont pas des choses incompatibles ; mais en tout cas Eusèbe se serait trop hâté, il aurait dû renvoyer Zeuxis au temps de ce roi de Macédoine. Je dirai en passant que la manière dont les anciens ont placé la chronologie des hommes illustres est propre à jeter dans la confusion. Il fallait marquer l’année de leur naissance et celle de leur mort, et non pas le temps où ils ont fleuri ; car ce temps est vague, il avance ou il recule selon les occasions ; il y a des gens qui sont au faîte de leur réputation à trente ans, d’autres n’y sont qu’à soixante. Cela me fait prendre garde à la preuve que Pline emploie contre ceux qui ont placé Zeuxis à la 89e. olympiade. Il les réfute par la raison que c’est une olympiade, où il faut nécessairement placer le peintre dont Zeuxis a été l’élève. Cette raison peut passer, vu le temps où Zeuxis paraît dans Pline ; mais si l’on change dans le texte la 89e. olympiade en la 79e., comme a fait le père Hardouin sur la foi des manuscrits, le raisonnement de Pline ne paraîtra guère bon : il réfutera ceux qui font fleurir ce peintre dans la 79e. olympiade ; il les réfutera, dis-je, en montrant que c’est le temps qu’il faut assigner au maître

  1. Adeò sibi in illo (Athletâ) placuit ut versùm subscriberet celebrem ex eo, invisurum aliquem facilius quàm imitaturum. Plinius, lib. XXXV, cap. X.
  2. M. Félibien, pag. 56, a dit Athalante au lieu d’Alcmène.
  3. Au mot Pictor.
  4. Il a été imprimé depuis mon projet, l’an 1694.
  1. M. Hofman a fait la même chose.
  2. M. Felibien, page 56 de son premier Entretien sur les Vies et sur les Ouvrages des peintres, met Zeuris à la 95e. olympiade ; mais son imprimeur a fait une faute, en faisant répondre cette olympiade à l’an du monde 583 : il faut 3583. Vossius, de IV Art. popul., le met aussi à l’olympiade 95.
  3. Je n’entend point que soit avec la dernière exactitude. Voyez la note suivante.