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URCEUS CODRUS.

ges des autres, que le vieux Béroalde avait coutume de dire qu’en pareille matière il ne connaissait point de juge plus sévère et plus pénétrant. Il avait beaucoup d’adresse à enseigner des enfans ; il savait les corriger et s’en faire aimer, toujours prêt à leur rendre tous les services dont il était capable : il lui est cependant arrivé de les châtier avec excès ; car, quoiqu’il eût l’air doux et complaisant, il était toutefois extrêmement sévère et colère. Blanchini en rapporte des exemples. Un des défauts dont il l’accuse encore, c’est de ne louer presque jamais aucun moderne. Lorsqu’on lui demandait son jugement sur les plus grands hommes de ce temps-là, il répondait ordinairement sur le sujet de tous, Sibi scire videntur, ils croient savoir.

Personne de son temps n’a plus, ajouté de foi aux présages que lui ; il croyait qu’il y avait quelque providence qui s’en mêlait. Si, par exemple, la lampe de son garçon s’éteignait, « Prends garde, prends garde, malheureux, lui criait il, un grand malheur te menace ; » et pour l’en préserver, s’il y avait quelque chose à faire, Codrus le faisait alors lui-même. Mais ce qu’il y a de singulier, c’est que lorsqu’on annonçait quelque prodige, au lieu d’aller songer que ce fût ou un prince ou un état menacé de quelque malheur, il croyait seulement que c’était un présage qui le menaçait lui ou quelque autre professeur. Son historien nous apprend qu’il y a eu plusieurs choses plaisantes prononcées dans ses oraisons, et qui n’ont pas été écrites. On peut juger par celles que Codrus y a laissées, quelles doivent être ces choses plaisantes qu’il en a retranchées. Quelqu’un lui demandant sur ce sujet pourquoi il mêlait tant de plaisanteries dans ses discours, il répondit, « que la nature avait ainsi formé les hommes ; que les railleurs étaient agréables et les conteurs réjouissans. »

Codruas fit son testament quelques jours avant sa mort. Ce testament commence ainsi : Moi Antoine Urcéus, fils de Corthèse Urcéus, j’espère et souhaite vie et salut de Dieu immortel... Ensuite il recommande à Dieu son esprit, et ajoute qu’il l’a toujours cru immortel, contre le sentiment d’Épicure, et de ceux qui, sous le nom de chrétiens, ne font rien de chrétien. Après des legs pieux, et quelques autres qu’il fait à ses frères et sœurs d’un second lit, il nomme avec beaucoup d’amitié son frère utérin Pierre-Antoine, son héritier et légataire universel.

Touchant ses ouvrages, Blanchini dit que Codrus n’y a pas mis la dernière main : qu’il s’appliqua d’abord à faire des vers en grec et en latin : qu’il ajouta beaucoup de choses au Vocabulaire grec : qu’il corrigea beaucoup d’autres ouvrages : qu’il rétablit quelques autres choses qui s’étaient perdues dans les ruines de la langue latine. « Parmi les œuvres les plus considérables de cet habile homme, on trouve, dit-il, plusieurs belles Oraisons, qu’on peut comparer à une table chargée de mets aussi agréables qu’abon-