Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T15.djvu/391

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
383
DE M. BAYLE.

dictionnaire, pour jouer au plus sûr, se serve de la disjonctive ou, sans tomber en faute ; mais il y a pourtant dans tout cela je ne sais quel vide de probabilité qui arrête et qui frappe un lecteur, soupçonneux et attentif. Il médite avant que de passer plus avant, et il peut conjecturer que Moréri, trompé par quelque écrivain français, ou n’entendant pas lui-même les auteurs latins qui ont parlé de ce cardinal de Trente, ait mal divisé Liber Baro, et qu’il ait pris le premier de ces deux mots pour le nom de la famille, au lieu de le prendre pour le caractère de la qualité de baron. On sait que les empereurs d’Allemagne créent des barons qui relèvent immédiatement de l’empire, et qui sont par-là distingués des barons vassaux de quelque autre membre de l’empire. Un baron qui relève immédiatement de l’empire, est appelé baron libre, Liber Baro. Il y a beaucoup [a] d’apparence que le premier de la famille de Madruce qui fut créé baron était de ces barons libres, et que de là vient que les écrivains latins qui ont parlé du cardinal de Trente et de son père, leur ont donné la qualité de Liber Baro. Si cela est, dans quelle bévue M. Moréri n’est-il pas tombé ? Et comment a-t-elle pu échapper si long-temps aux éditeurs [1] ?

Je les avertirai par occasion qu’il faut qu’ils corrigent une faute concernant le cardinal Louis Madruce. Il ne fut pas fait évêque de Trente après sa promotion au cardinalat, comme Moréri l’assure ; il était déjà évêque de Trente par la résignation de son oncle le cardinal Christofle Madruce, lorsque le pape Pie IV le gratifia du chapeau, l’an 1561, et le lui envoya même à Trente par une faveur particulière [2]. Il faut corriger outre cela l’alternative du temps de la promotion du cardinal Christofle Madruce : il en faut fixer la date à l’an 1542, et non pas la laisser vague comme fait Moréri entre l’an 1542 ou l’an 1544 [3]. Il est honteux d’ignorer le temps véritable de la création d’un cardinal du XVIe. siècle, et quand on corrige l’ouvrage d’un homme qui a ignoré cela, et qui a été assez paresseux pour ne point éclaircir le fait, on se devrait faire une obligation de ne pas tomber dans cette même paresse. Nous pouvons aussi avertir les éditeurs qu’ils feront bien de réparer quelques fautes d’omission. La terre de Madruce, érigée en baronnie, et située dans Le Trentin, demande un petit article géographique qui manque dans le Moréri [4]. La famille Madruce demande un article généalogique qui la mène depuis le temps où elle commença à être titrée, ou à faire figure,

  1. Je m’exprime ainsi n’ayant pas les auteurs latins cités par Moréri.
  1. Cette faute avait passé dans les éditions de 1707 et 1712. Dans celle de 1725 on trouve :

    « Madruce (Christophle), dit le cardinal de Trente, fils de Jean Gaudence, libre baron de Madruce, etc. »

    On remarques que le pape Paul III lui donna le chapeau de cardinal l’an 1542. Nouv. Observ.

  2. Cela est corrigé dans l’édition de 1725. Nouv. Observ.
  3. Voyez ci-dessus, note (8). Nouv. Observ.
  4. Cet article géographique se trouve dans l’édition de 1725, au mot Madruzzo ou Madruce. On l’a tiré du Dictionnaire de Maty. Nouv. Observ.