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DE M. BAYLE.

beaucoup de choses ; et ainsi la comparaison de la copie avec l’original ferait faire une très-bonne refonte.

Il y a des matières où cette comparaison ne serait pas suffisante. Moréri n’a presque point eu d’autre guide à l’égard des Pays-Bas que Louis Guicciardin, qui en a fait une très-bonne description ; mais, comme il est arrivé de grands changemens dans les villes de ce pays-là depuis l’an 1587, que Louis Guicciardin donna la dernière édition de cet ouvrage, il y a bien des choses qu’il affirmait véritablement, que l’on ne peut plus affirmer sans un gros mensonge ; et néanmoins on les affirme dans le Moréri tout comme on les avait lues dans Louis Guicciardin. En voici un exemple.

Il assure qu’il y a proche de Malines, un peu au delà de la porte Sainte-Catherine, sur le chemin d’Anvers, un très-ample monastère, bâti presque en forme de forteresse, dans lequel se trouve une maison consacrée à saint Alexis, où demeurent continuellement plus de quinze cents, et quelquefois même seize cents religieuses qui peuvent vaquer à leurs affaires, aller et venir deçà et delà, et même se marier si l’envie leur en prend. Moréri n’a pas manqué de copier cela. On voit, dit-il, dans le faubourg de Malines le monastère de Saint-Alexis, où il y a quinze ou seize cents religieuses qui ont la liberté de sortir, de se promener, de faire et recevoir des visites, et de se marier quand bon leur semble. Cet endroit du Moréri m’a toujours paru suspect, car y ayant eu de nos jours bien des armées qui ont campé dans le voisinage de Malines, et quantité d’officiers qui ont passé et repassé par la même ville, il me paraissait incroyable que personne ne parlât de ce couvent de quinze ou de seize cents chanoinesses : et que néanmoins il fût actuellement l’une des singularités de Malines. Mes soupçons se fortifiaient quand je faisais réflexion que lorsque des armées campent proche de Remiremont, ou de Maubeuge, etc., le public est presque toujours informé de l’assiduité des principaux officiers auprès des chanoinesses de ces lieux-là. Mais j’ai su enfin qu’il y a long-temps que ce monastère de Saint-Alexis ne subsiste plus : il fut démoli rez pied rez terre pendant les guerres civiles vers la fin du XVe. siècle. On voit donc que, pour rectifier le Dictionnaire historique en ce qui concerne les Pays-Bas, il ne suffit point de le confronter avec Guicciardin, l’original de Moréri ; il faut consulter des écrivains plus modernes [1].

Puisque l’occasion s’est présentée de marquer une grosse faute de l’article de Malines, laquelle a passé d’édition en

  1. Cette faute avait passé dans l’édition de 1707 ; et le réviseur de celle de 1712 ajouta seulement que ces religieuses étaient appelées Béguines. Dans l’édition de 1725, (article Malines), elle est corrigée ainsi : On voyait dans le faubourg le Saint-Alexis, où il y avait quinze ou seize cents religieuses, appelées Béguines, qui avaient la liberté de sortir, de se promener, de faire et recevoir des visites, et de se marier quand bon leur semblait ; mais ce monastère fut entièrement démoli pendant les guerres civiles vers la fin du XVIe. siècle. Nouv. Observ.