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PRÉFACE

qu’ils avaient remarqué de faux. Comment se peut-il faire que de tant de gens qui avaient été à Brisach, et qui savaient que selon Moréri cette ville avait un pont de pierre sur le Rhin, il n’y en ait eu aucun qui ait eu la charité de dire ou de faire dire aux imprimeurs ou aux éditeurs qu’il fallait corriger cet endroit [1]. Je voudrais bien que ce reproche servit de remède à l’indifférence presque léthargique de la plupart des lecteurs.

Mais il ne suffirait pas que chacun fournît la liste des fautes qu’il aurait remarquées ; le travail de ceux qui se chargent ex professo de corriger le Moréri, ne laisserait pas d’être fort grand. On ne fera jamais une correction complète, si l’on ne prend la peine de visiter toutes les sources où M. Moréri a puisé. L’affaire est pénible, mais non pas aussi épouvantable qu’elle le paraît à ceux qui se mettent devant les yeux la multitude d’auteurs qu’il cite à la fin de plusieurs articles ; car il ne faut pas croire qu’il ait consulté tous ces auteurs-là. Je suis sûr qu’à l’égard des historiens grecs et latins il n’a guère consulté pour l’ordinaire que Vossius, et qu’à l’égard des matières et des écrivains ecclésiastiques il n’a guère consulté que Baronius, Sponde, Godeau, et le père Labbe. Pourquoi donc en a-t-il cité tant d’autres ? Je n’en sais rien ; mais il me semble qu’une telle affectation qui lui coûtait peu, puisqu’il ne faisait que marquer les auteurs que Vossius, etc., avait allégués, contribue beaucoup moins à l’utilité des lecteurs, qu’à leur persuader faussement qu’il feuilletait une infinité de livres. Il aurait pu se contenter de renvoyer à Vossius, etc. Ceux qui auraient eu Vossius, auraient connu en même temps tous les autres écrivains nommés à la fin des articles du Moréri. Je ne serais pourtant point d’avis que l’on retranchât ces citations qui ont tant duré, mais il faudrait les rendre toutes intelligibles. Il y en a qui ne le sont point, à cause que l’on a trop abrégé le nom des auteurs ou titre des ouvrages. On a fait bien pis quelquefois, car on a défiguré et le titre des livres et le nom des auteurs. Un livre de Venatione que Moréri avait cité, a été métamorphosé dans les éditions de Hollande en un livre de Veneratione. Il s’est si mal exprimé à la fin de l’article Calentio, que n’ayant voulu citer qu’un auteur il en cite deux, et qu’il défigure le nom du dernier. Cornelius Tollius, dit-il, in Append. Pierre Valère, de Infelicit. Litterat. Cela doit être rectifié de cette façon, Cornélius Tollius, dans l’Appendix du Traité de Piérius Valérianus de Infelicit. Litterat. [2].

En consultant les auteurs dont Moréri s’est servi, on trouvera qu’il a pris souvent leurs paroles de travers, qu’il n’a point choisi le meilleur, qu’il a estropié

  1. Voyez ci-après la préface de l’auteur des Remarques critiques, Nouv. Observ.
  2. Dans l’édition de Moréri, faite à Paris en 1712, on changea Pierre Valère en Petr. Valerius ; dans celle de 1725, on a corrigé cette faute, et mis Pierius Valerianus ; mais on a laissé le reste comme il était, de sorte que l’on continue à citer deux auteurs, quoiqu’on n’en veuille citer qu’un. Nouv. Observ.