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ZÉNOBIE.

Ptolomées et des Cléopâtres [a]. Elle épousa Odénat, prince sarrasin [b], et contribua beaucoup aux grandes victoires qu’il remporta sur les Perses (A), et qui conservèrent l’Orient aux Romains, lorsqu’après la prise de Valérien il était fort apparent que Sapor leur enlèverait tout ce pays-là. Aussi fut-elle honorée de la qualité d’auguste [c], lorsque Gallien pour reconnaître les services d’Odénat le fit empereur, l’an 264. Après la mort de son mari elle se maintint dans l’autorité, et régna d’une manière très-vigoureuse et très-glorieuse. Ses fils, à cause de leur bas âge, ne possédaient que le nom et les ornemens d’empereurs [d]. Non-seulement elle conserva les provinces qui avaient été sous l’obéissance d’Odénat, mais elle conquit aussi l’Égypte, et se préparait à d’autres conquêtes, lorsque l’empereur Aurélien lui alla faire la guerre [e]. Elle perdit deux batailles [f], et se vit contrainte de se renfermer dans la ville de Palmyre, où Aurélien l’assiégea. Elle s’y défendit courageusement, mais, ne voyant point d’apparence que cet empereur manquât de prendre la ville, elle en sortit secrètement. Aurélien en fut averti, et la fit suivre avec tant de diligence, qu’on l’atteignit lorsqu’elle était déjà dans le bac pour passer l’Euphrate [g]. Ce fut en 272. Il lui sauva la vie, et la fit servir à son triomphe (B), et lui donna proche de Rome une maison de campagne où elle passa doucement tout le reste de ses jours (C). On dit que sur les preuves qu’elle donna, Aurélien fit mourir beaucoup de personnes [h]. Ce fut une belle femme, chaste, savante, courageuse, sobre, quoique, par politique, elle bût beaucoup de vin en quelques rencontres (D). Si elle avait pu joindre à ces qualités celle d’être une bonne belle-mère, on la pourrait mettre au nombre des plus grandes raretés ; mais elle fut si éloignée de cette vertu, qu’on la soupçonna d’avoir consenti qu’on assassinât son époux l’an 267, indignée de la tendresse qu’il témoignait à son fils Hérode (E), qu’il avait eu d’une autre femme.

Elle n’oublia point de se mêler des querelles de religion : elle protégea Paul de Samosate (F), qui avait été condamné au concile d’Antioche. Cette protection empêcha qu’il ne fût chassé de son église. On ne l’en chassa qu’après que cette princesse eut été vaincue par Aurélien. Voyez la Dissertatio hypatica du père Pagi, vers la fin.

  1. Trebellius Pollio, in triginta Tyrannis, pag. m. 328.
  2. Procopius, pag. 97. Trebellius Pollio, ibid., pag. 298, le nomme princeps Palmyrenorum.
  3. Voyez Tillemont, Hist. des Empereurs, tom. III, pag. 976.
  4. Trebell. Pollio, ibid., pag. 325.
  5. Zosimus, lib. I.
  6. Voyez Vopiscus, in Aureliano. M. Moréri cite in Annal., cela trompe ; Vopiscus n’a point fait d’Annales.
  7. La ville de Palmyre. bâtie par Salomon, était à une journée de ce fleuve.
  8. Tillemont, Hist. des Empereurs, tom. II, pag. 1066. Il cite Suidas, in Ἀυρελ, pag. 494.

(A) Elle contribua beaucoup aux grandes victoires qu’il remporta sur les Perses. ] C’est le témoignage qu’Aurélien lui a rendu dans une lettre qu’il écrivit au sénat. Audio P. C. mihi objici quòd non virile munus impleverim, Zenobiam triumphando.