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SUR LES OBSCÉNITÉS.

nération, ou sur les causes et sur les remèdes de la stérilité, ou sur les motifs du divorce, etc.

6°. Ou que l’auteur, voulant expliquer le texte latin de Catulle, ou de Pétrone, ou de Martial, a répandu beaucoup d’ordures dans son commentaire ;

7°. Ou que l’auteur, faisant l’histoire d’une secte ou d’une personne dont les actions étaient infâmes, a raconté bien naïvement quantité de choses qui blessent les chastes oreilles ;

8°. Ou que l’auteur, traitant des cas de conscience, et particularisant les différentes espèces du péché de la chair, a dit bien des choses que la pudeur ne digère pas facilement ;

9°. Ou enfin que l’auteur rapporte des faits historiques qui lui sont fournis par d’autres auteurs qu’il a soin de bien citer, lesquels faits sont sales et malhonnêtes ; qu’ajoutant un commentaire à ses narrations historiques pour les illustrer par des témoignages, et par des réflexions, et par des preuves, etc., il allègue quelquefois les paroles de quelques écrivains qui ont parlé librement, les uns comme médecins ou jurisconsultes, les autres comme cavaliers ou poëtes, mais qu’il ne dit jamais rien qui contienne ni explicitement ni même implicitement l’approbation de l’impureté ; qu’au contraire il prend à tâche en plusieurs rencontres de l’exposer à l’horreur, et de réfuter la morale relâchée.

Voilà, ce me semble, les principaux cas où se peuvent rencontrer les écrivains que l’on accuse d’avoir débité des obscénités.

Au premier cas ils sont dignes, non-seulement de toutes les peines les plus sévères du droit canon, mais ils doivent aussi être poursuivis par le magistrat comme des perturbateurs de l’honnêteté publique, et comme des ennemis déclarés de la vertu.

Quant à ceux du second cas, et du troisième, et du quatrième, et du cinquième, et du sixième, et du septième, et du huitième, chacun en jugera ce qu’il voudra : je n’y ai aucun intérêt, je ne me trouve que dans le neuvième cas, et il me suffit d’examiner ce qui concerne cette dernière espèce d’obscénités. Je ferai néanmoins deux ou trois considérations générales sur les autres.

II. Je dis en premier lieu, qu’il y a divers étages dans les sept classes d’écrivains que j’abandonne au jugement des lecteurs [1]. On s’y peut tenir dans certaines bornes, et on les peut passer ; cela varie prodigieusement les différences et les proportions ; et l’on serait fort injuste si l’on prononçait la même condamnation contre tous les écrivains qui appartiennent à la seconde classe. Les Cent Nouvelles nouvelles [2], celles de la reine de Navarre, le Décaméron de Boccace, les Contes de La Fontaine, ne méritent point la même rigueur que les Raggionamenti de l’Arétin, et que l’Aloisia Sigæa Toletana. Les au-

  1. Notez que je ne laisse pas de reconnaître pour bonnes les observations que j’ai faites en divers endroits, comme dans l’article du poëte Lucrèce, tom IX, pag. 507, dans l’article Quillet, t. XII, p. 393, etc.
  2. On les a réimprimées à Amsterdam en 1701, en 2 vol. in-12.