Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T15.djvu/33

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
25
ZANCHIUS.

rence entre Melchior Adam et M. de Thou, touchant la patrie de Zanchius, IV. et la prétendue distance de quatre lieues entre Venise et ce lieu-là, V. qu’on eût du nommer Alzane, et non pas Azane. VI. On a copié de M. Thou, que Zanchius alla tout droit à Strasbourg. VII. Et l’on a grossi la faute de sa prétendue succession à Martyr ; car on peut bien dire sans commettre un mensonge que Zanchius fut appelé à Strasbourg pour y occuper la place que Pierre Martyr y avait laissée vide ; mais on ne peut pas assurer sans des fautes redoublées qu’il alla faire profession publique de l’hérésie dans Strasbourg, à la place de Vermigli, La profession publique d’une doctrine se fait-elle à la place d’un autre ? VIII. Il ne fallait pas copier M. de Thou quant au prétendu séjour de Zanchius dans Bâle. IX. Et moins encore lui imputer d’avoir dit que ce ministre enseigna dans Spire. Il ne dit point cela ; son Neapolis Nemetum est Neustad, ville dont les gazettes font mention incessamment depuis sept ou huit années [1]. C’est à tort que le traducteur de M. de Thou la nomme Spire. M. Teissier nous permettra donc, s’il lui plaît, de désapprouver cette période de ses Additions : Zanchius n’a jamais enseigné ni à Bâle ni à Spire, comme l’a cru M. de Thou [2]. X. Heidelberg n’est pas la dernière ville où Zanchius ait enseigné, comme Moréri l’assure. On le déclara emeritus quand les professeurs de Neustad, ses collègues, furent rétablis dans Heidelberg. S’il mourut dans cette dernière ville, ce fut par accident ; il y avait fait un voyage afin de voir ses anciens amis [3]. XI. Prouver que Zanchius a plus de modération que tous les autres protestans ; le prouver, dis-je, par les paroles que M. de Thou a citées, est une illusion. XII. Conjecturer que le père Labbe se fonde sur les mêmes paroles, quand il dit que Zanchius est le plus subtil de ceux de sa communion, est une pensée qui ne fait guère d’honneur à ce jésuite, et qui paraît mal fondée quand on consulte l’original. Ce n’est pas être raisonnable, c’est être aveuglé par ses préjugés, que de ne donner de l’esprit et de la subtilité à ses adversaires, qu’à proportion des égards qu’ils ont pour nous, ou de la modération avec quoi ils parlent de notre cause. En tout cas, l’endroit où le père Labbe donne cet éloge à ce ministre, fournit une conjecture plus vraisemblable que ne l’est celle de Moréri. Ce jésuite rapporte là un passage où Zanchius dit beaucoup de mal des écrivains protestans. On prétendrait donc avec plus de vraisemblance que l’emportement de ce ministre contre ses confrères lui aurait valu les éloges du père Labbe, qu’on ne prétendrait que sa modestie envers l’église romaine les lui a valus. Peut-être vaut-il mieux dire que le père Labbe n’a eu égard qu’à l’esprit même de Zanchius, qui sans doute était fort subtil. Afin que l’on juge mieux de ceci, je rapporterai tout le passage. On y verra clairement l’esprit d’un auteur dont la colère n’était pas intermittente, mais continue : Quid de cæteris Lutheri et Calvini ministris dicam, qui dum conciliorum, patrum, scriptorum antiquorum opuscula interdùm volunt apertissimam hæreseon suarum damnationem legunt, numquid non dissimulant, numquid non tergiversantur, numquid non argutantur ? Audi domesticum testem Hieronymum Zanchium omnium sacramentariorum subtilissimum : Legi librum (Pseudo-Evangelici nescio cujus) sed non sine stomacho perlegi ; cùm nimirùm viderem qualisnam sit scribendi ratio, quâ in ecclesiis ex Evangelio reformatis (eo nomine Lutheri, Calvini, similiumque sectas appellat) permulti, ne dicam plerique omnes, utuntur : qui tamen pastores, qui doctores, qui columnæ ecclesiæ videri volunt. Statum causæ ne intelligant, de industriâ sæpénumerò tenebris involvimus, quæ sunt manifesta, impudenter negamus : quæ falsa, sine fronte asseveramus : quæ apertè impia, tamquam prima fidei principia obtrudimus : quæ orthodoxa, hæreseos damnamus : scripturas ad nostra somnia pro libidine torquemus : patres jactamus cùm nihilminùs quàm illorum doctrinam sequi velimus,

  1. On écrit ceci au mois de juillet 1697.
  2. Teissier, Additions aux Éloges, tom. I, pag. 161.
  3. Melch. Adam., in Vit. Theol. ext., p. 152.