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ÉCLAIRCISSEMENT

Celui de Copernic est si dégagé, si simple, si mécanique, qu’on le devrait préférer à celui de Ptolomée, encore qu’il satisfît moins heureusement à quelqu’une des apparences.

Enfin, ma quatrième raison est, que j’indiquais une ressource si bonne et si assurée, qu’il aurait été superflu de se sertir de quelque autre expédient pour compenser le désavantage. Le système des dualistes rend mieux raison de plusieurs expériences que celui des unitaires ; mais d’autre côté il renferme des absurdités monstrueuses et directement combattues par les idées de l’ordre. Le système des unitaires jouit de la perfection opposée à ce défaut-là : et ainsi, tout bien compté et rabattu, il est préférable à l’autre. Cela pouvait en quelque façon suffire ; mais je ne m’en contentai pas, j’observai de plus que le système des unitaires était conforme à l’Écriture, et que celui des dualistes était réfuté invinciblement par la parole de Dieu. Que peut-on souhaiter de plus fort et de plus démonstratif pour s’assurer que le système des unitaires est vrai, et que l’autre est faux ? Fallait-il outre cela, pour lever tous les scrupules, que je réfutasse philosophiquement le manichéisme ? Ne serait-on pas de petite foi, si l’on avait besoin d’une semblable dispute ? Dieu parle, et cela ne vous persuade pas pleinement ? Vous voulez d’autres cautions, vous souhaitez qu’un raisonnement humain ratifie son témoignage [1] ? Cela n’est-il pas indigne d’un homme qui n’a pas perdu le sens commun ? Vous craignez sous l’autorité révélée les objections des manichéens ? Que ne dites-vous avec l’Écriture, si Dieu est pour nous, qui sera contre nous [2] ? Vous ne pouvez pas répondre aux difficultés qu’ils vous proposent sur l’origine du mal et sur les décrets de réprobation ? Eh bien, répondez-leur ce que le petit catéchisme des églises réformées fait répondre à cette demande concernant la Trinité, Comment cela se peut-il faire ? C’est un secret surmontant notre entendement et toutefois très-certain ; Car Dieu le nous a ainsi déclaré par sa parole [3]. Toute subtilité philosophique, qui tend à vous enlever la persuasion de la vérité céleste, doit passer auprès de vous pour une de ces attaques que saint Paul veut que l’on repousse en prenant le bouclier de la foi [4]. Prenez-le donc, et vous aurez d’assez bonnes armes ; et songez bien qu’en craignant que ce ne soit trop peu de chose, vous vous exposez à la raillerie qui est tombée sur un cardinal à qui les papes faisaient pitié, lorsqu’ils n’avaient point d’autre assistance que celle du Saint-Esprit [5]. Non ho potuto

  1. Conférez ce que dessus, rem. (L) de l’article Perrot (Nicolas), tom. XI, p. 643.
  2. Épître aux Romains, chap. VIII, vers. 31.
  3. Petit Catéchisme, sect. II.
  4. Épître aux Éphésiens, chap. VI., vers. 16.
  5. Si les papes, n’ayant que Dieu pour eux, font pitié au cardinal Palavicin, jésuite, paraissant ainsi misérables aux autres, comment pourraient-ils convertir les mahométans ? Il faut donc autre chose que le Saint-Esprit pour pareilles conversions, et ce serait une fort grande pitié qu’un pape qui n’aurait que cela pour lui. Évangile nouveau du cardinal Palavicin, chap. IV, art. I, pag. 142, édit. de Hollande.