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SUR LE PRÉTENDU JUGEMENT DU PUBLIC.

qu’il le reconnaît pour sien, tel qu’on vient de l’imprimer ; car il est si rempli de bévues, de faussetés et d’impertinences, que je m’imagine qu’il n’est point conforme à l’original : on y a cousu peut-être de fausses pièces à diverses reprises en le copiant. Il avait prévenu une infinité de personnes ; mais d’habiles gens ayant lu mon Dictionnaire, firent cesser bientôt cette prévention. Monsieur l’abbé ne l’ignore point ; car il a dit dans une lettre que je dois être content de l’approbation de tant de gens. Aussi le suis-je. On s’étonna qu’il eût mis dans son rapport tant de choses inutiles. Il n’était question que de savoir si mon ouvrage choque l’église romaine ou la France. On ne lui avait point demandé si j’ai lu les bons auteurs, ou si je mets en balance les anciens avec les modernes. Si plusieurs lecteurs l’ont contredit sur le chapitre de mon ignorance, je les en désavoue : il n’en a pas dit assez, j’en sais bien d’autres circonstances ; et s’il veut faire mon portrait de ce côté-là, je lui fournirai bien des mémoires. Mais il me permettra de lui dire qu’il n’a pas bien choisi les preuves de mon incapacité ; car, par exemple, quand il la trouve dans la traduction de Librarii par Libraires, il me censure très-injustement, puisque, dans une note, j’ai averti mes lecteurs, que par libraires il fallait entendre les copistes et les relieurs, selon la manière d’accommoder les livres en ce temps-là [1]. J’ai donc entendu la chose comme il la fallait entendre. Je ne lui attribue point l’impertinence de la note marginale que l’on a mise à cet endroit de son rapport en le publiant ici. Cela doit être sur le compte de celui qui l’a publié.

V. Il l’a fait avec peu de jugement ; car c’est produire une preuve démonstrative de la fausseté des accusations qu’il a tant prônées contre moi, sur des correspondances avec la cour de France. Chimères qu’autre que lui n’était capable de forger, et dont il eût fait réparation au public, à la suite d’une pièce aussi justificative de mon innocence que l’est celle qu’il a publiée, si les actes d’honnête homme lui étaient possibles. Mais il a gardé un profond silence à cet égard ; et ne s’est appliqué qu’à répandre un noir venin sur ce que j’ai dit à l’avantage des protestans et contre l’église romaine. Il faut qu’il soit bien ennemi de l’édification du prochain, puisqu’il ôte aux réformés celle que leur donne le Jugement de M. l’abbé Renaudot, et que pour la leur ôter il se copie lui-même la vingtième fois, répétant des calomnies si souvent ruinées, et qu’il n’a jamais soutenues qu’en entassant faussetés sur faussetés, comme il a paru par les longues listes qu’on lui a marquées publiquement.

VI. Je m’arrêterai peu à ses réflexions. Ce n’est qu’un épanchement de chagrin et de colère : ce ne sont que jugemens vagues, dont les lecteurs intelligens connaîtront d’eux-mêmes la fausseté, ou que des calomnies cent fois réfutées, ou que mensonges nou-

  1. Voyez ci-dessus la citation (38) de l’article Atticus, tom. II, pag. 508.