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CONTENANT LE PROJET.

et je fais fort sincèrement la même déclaration que cet habile homme qui nous a donné l’histoire de la société royale. Pour réponse, dit-il [a], j’alléguerai à mon égard que ce que j’ai à dire, bien loin d’empêcher les labeurs d’autrui qui pourraient embellir un si digne sujet, n’est avancé en aucune autre façon que comme les édifices les plus superbes ont accoutumé du commencement d’être représentés par quelque peu d’ombres, et petits modèles, lesquels on n’a pas intention d’égaler à la principale structure, mais seulement pour montrer en raccourci, de quels matériaux, de combien de dépense, et par combien de mains, on la peut élever par après. Je travaille dans le même esprit ; je ne me propose que d’indiquer un dessein à ceux qui auront la capacité d’en fournir l’exécution : et afin qu’ils puissent mettre la main à l’œuvre d’autant plus tôt, je me hâterai le plus qu’il me sera possible de publier mon ébauche, qui ne contiendra qu’un in-folio.

II. Qu’il y a beaucoup de fautes dans les livres.

La matière pour des éditions plus amples ne leur manquera point ; car si ce sujet me peut fournir de quoi dresser un bon volume, malgré les autres occupations indispensables qui entrecoupent tout mon temps, et malgré la disette de livres où je suis réduit, que ne feront point des gens de beaucoup d’érudition et de grand loisir, et à portée d’une grande bibliothéque, lorsqu’ils voudront travailler à des recueils de cette nature ? Ce seront des courses d’où ils reviendront toujours chargés de butin ; et il n’y a point de prince, quelque soin qu’il prenne de faire tendre des toiles, et d’ordonner tout ce qu’il faut pour une fameuse partie de chasse, qui puisse être plus certain de la prise d’un très-grand nombre de bêtes, qu’un savant critique qui va à la chasse des erreurs doit être assuré qu’il en découvrira beaucoup. Ce serait quelque chose de curieux s’il arrivait à cet ouvrage ce qui est arrivé à celui qu’un docte Suisse [b] intitula Théâtre de la Vie humaine, et qu’on a tant de fois augmenté, qu’enfin il comprend huit gros volumes in-folio. Ne doutez point que les fautes des auteurs ne puissent former un entassement aussi massif que celui-là ; et à votre avis, monsieur, un théâtre de ces fautes, en autant de gros volumes, serait-il moins divertissant et moins instructif que celui de la vie humaine ? Vous m’apprendrez quand il vous plaira si le livre intitulé Les Chasseurs, qui contenait le catalogue des larcins de Théopompus, était fondé, quant au titre,

    λονταί τιτὴν γὰρ ἕξιν προήσκησαν ἡμῶν εἰ μὲν γὰρ Τιμόθεος μὴ ἐγένετο, πολλὴν ἂν μελοποιίαν οὐκ εἴχομεν· εἰ δὲ μὴ Φρῦνις, Τιμόθεος οὐκ ἂν ἐγένετο. Verùm non solùm illis agendæ sunt gratiæ quorum opinionibus quis acquiescet, sed illis qui superficie tenùs dixerunt : conferunt enim aliquid etiam isti, habitum namque nostrum exercuerunt. Si enim Timotheus non fuisset, multum melodiæ nequaquàm habuissemus : si tamen Phrynis non extitisset, ne Timotheus quidem. Arist. Metaphysic., lib. II, cap. I, p. m. 645.

  1. Thomas Sprat (qui depuis a été évêque de Rochester), Histoire de la Société royale, pag. 2. Je cite selon la traduction française, qui n’est pas fort élégante.
  2. Théodore Zuinger, médecin, natif de Bâle, mort en 1588.