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SUR LE JOUR.

sous le mot Caucase [* 1], par l’examen de ce que trois doctes et subtils Italiens, le Mazzoni, Blancanus et Cabéus, ont dit sur cet endroit d’Aristote.

En second lieu, Pline dit que Philonide, courrier d’Alexandre, allait en neuf heures de Sicyone à Élis [a] ; mais qu’il lui fallait marcher, pour le retour, jusqu’à trois heures de nuit. La distance de ces deux villes était de douze cents stades [b], et le chemin de la première à la seconde allait en montant. Ainsi ce courrier employait à faire le même chemin tantôt neuf heures, et tantôt quinze ; neuf heures lorsqu’il allait à Élis en montant, quinze heures quand il retournait à Sicyone en descendant. Si vous demandez la raison de cet énorme différence entre l’aller et le revenir, Pline vous dira que le courrier en allant à Elis suivait le soleil, et qu’en retournant à Sicyone il marchait à contresens de cet astre. Mais bien loin que cette raison puisse compenser la différence qui est entre neuf heures et quinze, elle ne peut pas même compenser l’avantage de la pente du chemin ; car pour gagner une heure à la suite du soleil, il faut fournir une carrière de quinze degrés, et par conséquent notre coursier ne gagnait qu’un peu moins de dix minutes lorsqu’il faisait de l’orient à l’occident soixante lieues.

Enfin Pline dit que la raison qu’on vient de donner est cause que ceux qui naviguent vers l’occident font plus de chemin pendant le jour que pendant la nuit lors même que les jours sont les plus courts [c]. Voilà bien des faussetés : car pour ne pas dire que nos pilotes, dont les observations sont plus sûres que celles des anciens, ne remarquent pas que les vaisseaux aillent moins vite la nuit que le jour, les autres choses étant égales, qui ne voit que ce prétendu retardement, causé par la nuit, ne peut pas monter à la proportion que Pline donne, ni procéder de la cause qu’il met en avant ? Supposons qu’un vaisseau qui cingle vers l’occident fasse quatre-vingts lieues pendant les neuf ou dix heures d’un jour d’hiver, il ne gagne pas un quart d’heure [d] ; et qu’est-ce qu’un quart d’heure en comparaison des cinq ou six heures plus ou moins dont la nuit d’hiver surpasse le jour dans les pays que Pline pouvait avoir en vue ? Joignez à cela qu’on ne suit pas moins le soleil la nuit que le jour, quand on vogue vers l’occident ; d’où il résulte qu’un vaisseau ne doit pas moins avancer pendant les ténèbres que pendant le jour artificiel, puis que le temps des ténèbres s’allonge selon la même proportion par le progrès vers l’occident, que le temps de la lumière. Les navigations de ces derniers temps nous ont appris qu’il règne un vent continuel d’orient en occi-

  1. * Bayle n’a pas donné cet article.
  1. Ex Sicyone Elin mille et ducenta stadia novem diei confecit horis, indèque quamvis declivi itinere tertiâ noctis horâ remensus. Plin., lib. II, cap. LXXI.
  2. C’est-à-dire 60 lieues de 2500 pas géométriques chacune.
  3. Quâ de causâ ad occasum navigantes quamvis brevissimo die vincunt spatia nocturna navigationis, ut solem ipsum comitantes. Plin., lib. II, cap. LXXI.
  4. Pour allonger le jour d’une heure par le progrès vers l’occident, il faut faire 15 degrés qui, sous l’équateur, font 375 lieues.