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SUR LE JOUR.

ne que celle-là devait être assaisonnée de quelque nouveauté, comme serait de dire que, même lorsque nous voyageons vers l’orient, il nous semble que les astres nous devancent. Sur quoi il rapporte ce que les Portugais et les Espagnols ont éprouvé en faisant le tour du monde, et en donne cette raison. Les Espagnols, dit-il, vont à la Chine, et de là au Cap de Bonne Espérance, en suivant le cours du soleil ; les Portugais, au contraire, voguent contre le cours de cet astre : c’est pourquoi les jours deviennent plus longs aux Espagnols, tant parce qu’ils accompagnent le soleil et qu’ils jouissent plus long-temps de la lumière, que parce que le soleil rétrograde et vient à leur rencontre ; mais à midi il laisse derrière soi les Portugais, qui de leur côté lui tournent le dos, et le matin il les fuit lorsqu’ils attendent son lever, car il se lève plus tard [a]. Qu’y a-t-il de plus faux que de dire que le soleil va au-devant de ceux qui voguent vers le cap de Bonne Espérance, par la route que les Espagnols ont tenue ? Quoi de plus faux encore que de prétendre que les jours viennent plus longs à ceux à qui le soleil vient au-devant ? c’est tout le contraire, car il leur apporte d’autant plus tôt un nouveau jour. Quoi de plus faux, en troisième lieu, que de dire que le soleil s’éloigne des Portugais le matin, et qu’ils le voient lever plus tard ? Comment cela, puisque le plus court moyen de s’entre-trouver par le mouvement circulaire est l’aller à la Chine par l’orient, comme faisaient les Portugais, et d’y aller par l’occident comme faisait le soleil, depuis qu’il les avait laissés derrière lui ? Enfin quoi de plus faux que de prétendre que si le soleil se lève plus tard le jour civil doit être plus court ? Michalor [b] n’a relevé que la troisième faute de Scaliger, si ce n’est qu’il a remarqué de plus qu’on n’a que faire là de considérer si les Portugais ont aussi bon vent que les Espagnols. En effet, puisque Scaliger ne considérait pas la vitesse du mouvement, celeritaten motûs nunc non intelligo, que voulait-il faire des vents [c] ? Que les Portugais achèvent le tour en trois semaines ; que les Espagnols ne l’achèvent qu’en mille, la différence de jours n’en sera ni plus petite ni plus grande.

XII. Plusieurs fautes de Pline en peu de paroles.

Les anciens n’ont pas entièrement ignoré que le jour artificiel doit être plus long à un homme qui s’avance vers l’occident, et que le soleil se couche plus tôt par rapport aux parties orientales de la terre que par rapport aux occidentales. Mais s’il fallait juger de leurs lumières par celles de Pline, il faudrait con-

  1. Longiores ita dies fiunt Hispaliensibus. Tum quia solis comites sunt, lux eis productior est : tum quia retrocedit sol atque in eorum occursum abit. Lusitanos autem et relinquit à meridie non solùm aversus sed etiam aversos, atque ab eis mane refugit cum ejus exortum expectant, seriùs enim oritur. Jul. Cæsar Scalig., exercit. LXXXVI, de Subtilit.
  2. Antapocrisi, parte I, pag. 44.
  3. Non eâdem celeritate æquis tamen ventis Lusitani atque Bæthici parem marium tractum metiuntur. Scalig., exerc. LXXXVI, de Subtilit.