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DISSERTATION

deux points pour marquer le commencement et la fin de cette révolution. Il y en a qui ont choisi le lever ou le coucher du soleil ; d’autres ont mieux aimé midi ou minuit. Cela fait que le jour civil de certains peuples a été étendu d’un coucher ou d’un lever du soleil jusques à l’autre, ou entre deux midis, ou deux minuits. Les anciens Romains prirent ce dernier parti ; il est à présent presque universel dans l’Europe. Ces différentes sortes de jour civil ne sauraient être tout-à-fait égales, ni entre elles, ni au véritable jour naturel ; à cause de la mobilité continuelle du moment où le soleil se lève et se couche : mais comme cette inégalité n’est point sensible d’un jour à l’autre, on n’y a point d’égard. Ainsi les peuples dont le jour civil s’étend depuis un lever ou un coucher du soleil jusques à l’autre, ne prennent pas moins le jour pour une durée de vingt-quatre heures, encore que le soleil avance ou retarde chaque jour son lever et son coucher, et cela inégalement selon qu’il est près ou des points équinoxiaux ou des points solsticiaux, que s’ils l’étendaient d’un midi à l’autre. D’où paraît que j’ai eu raison de dire que le véritable jour naturel, dans sa signification la plus propre, est le temps qui coule depuis que le soleil quitte le méridien, jusques à ce qu’il y revienne. C’est à cela que le jour astronomique est compassé : car les astronomes commencent le jour à l’instant que le centre du soleil touche la ligne méridienne, et le finissent à l’instant que le même centre revient toucher cette ligne. Voilà le jour le moins inégal qu’il était possible de trouver, et celui à quoi toutes les tables astronomiques se calculent. Un auteur que j’ai cité [a] nous avertit que les astronomes commencent leur jour naturel au midi du jour précédent ; que, par exemple, le deuxième jour astronomique du mois de mai prend son commencement au midi du premier jour de mai et se termine au midi du jour subséquent qui est le 2 de mai, le midi duquel donne entrée au troisième jour astronomique. Il fallait ajouter, pour un plus grand éclaircissement, qu’encore que tous les astronomes commencent le jour à midi, ils ne laissent pas d’être divisés ; les uns [b], comme Ptolomée et Ticho-Brahé, commencent leur jour où Alfonse, roi de Castille, finit le sien. Ceux-là, par exemple, commencent le premier jour de janvier au midi du premier jour de notre année civile ; Alfonse commence le premier jour de janvier au midi du 31 décembre ; de sorte que le premier jour de l’an de celui-ci est pour les autres le dernier jour de l’an précédent.

IV. Livre de Bergier, sur le Point du jour.

Puisque j’ai cité le petit ouvrage de Bergier, il ne sera pas hors de propos d’en expliquer ici le sujet ; cela me servira de liaison, ou d’introduction pour le reste de cet article. Je dis donc que cet auteur se proposa de marquer un point sur la terre,

  1. Bergier, Préface du Traité du Point du Jour.
  2. Voyez le père Labbe, Abrégé Chronolog.