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SUR L’HIPPOMANES.

ou vers le septentrion, ou vers le midi, celles à qui cet accident arrive, il parle en général des signes à quoi l’on connaît que les cavales sont en chaleur : et comme il avait parlé de l’hippomanes par rapport à celles qui ne font que courir, il en parle aussi par rapport à toutes les cavales en général (C). Je ne vois pas là de quoi multiplier les espèces ; mais quand même l’on consentirait à leur multiplication [a], M. de Saumaise ne laisserait pas de s’être trompé, prétendant que la distinction d’Aristote regarde la non-jouissance de quelques jumens, et la jouissance de quelques autres bien au-deçà de satiété ; et que celles qui se mettaient à l’évent étaient dans le dernier cas. Ce n’est nullement la doctrine d’Aristote : au contraire, l’on doit inférer de son discours qu’elles souffraient une abstinence totale, puisque outre la réflexion qu’il fait sur la conduite des Créteins, il dit en propres termes qu’elles s’écartaient de la troupe, et ne se laissaient approcher que quand elles étaient lasses, ou qu’elles arrivaient auprès de la mer [b], et qu’alors elles jetaient l’hippomanes. Ὅταν δὲ τοῦτο πάθωσι, θέουσιν ἐκ τῶν ἄλλων ἵππων... ὅταν δὲ ἐμπέσῃ τὸ πάθος οὐδένα ἐῶσι πλησιάζειν, ἕως ἂν ἢ ἀπείπωσι διὰ τὸν πόνον ὴ πρὸς ϑάλατταν ἔλθωσι· τότε δὲ ἐκϐάλλουσί τι. etc. Cùm verò in affectæ fuerint, currunt relictâ societate... nec appropinquare quemquam patiuntur donec vel defatigatæ desistant, vel ad mare deveniant ; tum aliquid emittunt, etc. [c].

XI. Remarques sur Hofman et sur Furetière.

M. Hofman [d] a parlé de l’hippomanes suivant les idées de M. de Saumaise, tant sur le passage de Théocrite que sur celui d’Aristote ; il n’y a donc qu’à le renvoyer à ce qui a été dit ci-dessus. Il me permettra de lui dire que, s’il consulte bien Pausanias, il ne le citera point de Arcad. [e], et qu’il n’y trouvera pas que Phormis ait dédié une cavale dans Olympie ; car cet auteur dit formellement, à la fin du Ve. livre, que Phormis consacra deux chevaux et deux cochers. Quant à M. Furetiere, je ne lui reprocherai pas des fautes considérables. Je trouve seulement qu’il a un peu manqué d’exactitude en ne citant Pline que pour l’hippomanes du front des poulains. Cela fait venir naturellement cette pensée trompeuse, que Pline ne parle point d’aucun autre hippomanes. J’aurais voulu aussi qu’il eût cité Aristote, dont l’autorité est à bon droit plus grande que celle de Pline. À l’égard de l’autre sorte d’hippomanes, il ne devait point citer Servius, mais Virgile, dont Servius ne fait là que les paroles, sans dire si le fait est vrai, ou s’il est

  1. Le père Hardouin, in Plin., tom. II, pag. 211, en reconnaît deux espèces.
  2. L’édition de Genève, 1605, et celle de Paris, 1629, mettent marem au lieu de mare.
  3. Arist., Histor. Animal., lib. VI, cap. XVIII.
  4. Vol. III, pag. 162 ; et vol. IV, pag. 495.
  5. Le livre de l’Arcadie est le VIIIe. Celui où il est parlé de Phormis est le Ve., et le premier des deux où l’auteur traite de l’Élide.