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DISSERTATION

rir. On ajoute que si elle donne le temps à quelqu’un d’emporter cet hippomanes, la seule odeur la fait devenir furieuse. Prouvons, mais sans entassement de passages, que, si cela n’est pas vrai, on le trouve du moins dans les auteurs les plus authentiques. Écoutons Virgile,

Hinc demùm, hippomanes vero quod nomine dicunt
Pastores, lentum distillat ab inguine virus.
Hippomanes, quod sæpè malæ legere novercæ,
Miscueruntque herbas et non innoxia verba [a].

Je n’ajoute point à l’autorité de Virgile celle de son commentateur Servius, cité pour cela par Fungérus, dans son Lexicon philologique, par Calepin, par Décimator, etc. ; car je ne vois pas que Servius fasse autre chose qu’expliquer le sens du poëte : mais pour celle d’Aristote, je n’ai garde de l’oublier. Il dit donc qu’on appelle hippomanes, une certaine chose qui sort ex pudendis equæ similis genituræ, sed multò magis tenuis quàm semen maris [b]. Écoutons maintenant Pline, qui parle ainsi en un endroit : Equarum virus à coïtu in lychnis accensum Anaxilaüs prodidit equinorum capitum visus repræsentare monstrificè : similiter ex asinis. Nam hippomanes tantas in veneficio vires habet, ut affusum æris mixturæ in effigiem equæ olympiæ admotos mares equos ad rabiem coïtûs agat [c]. Voilà qui regarde la première signification ; et voici qui regarde la seconde : Et sanè equis amoris innasci veneficium, hippomanes appellatum, in fronte, caricæ magnitudine, colore nigro : quod statìm edito partu devorat fœta, aut partum ad ubera non admittit. Si quis præreptum habeat, olfactu in rabiem id genus agitur [d]. Aristote avait déjà dit la même chose [e] ; Virgile en avait dit un mot en parlant des sortiléges à quoi la malheureuse Didon eut recours dans son désespoir.

Quaritur et nascentis equi de fronte revulsus
Et matri præreptus amor [f].

Il est aisé de voir, au reste, que Calepin a mal cité ces deux passages de Pline, pour prouver que l’hippomanes est une petite caroncule sur le front d’un poulain nouveau-né ; car on n’en parle en ce sens qu’au chapitre XLII du VIIIe. livre. D’ailleurs Calepin [g] a cité le livre XVIIIe. au lieu du XXVIIIe., et a mis cariæ au lieu de caricæ ; et il prête à Servius cinq ou six paroles, qui ne se trouvent point dans le Commentaire de ce grammairien ; et qui signifient que l’hippomanes descendant dans les entrailles d’un homme le met en fureur, quod in humana viscera descendens hominem in fu-

  1. Virgil., Georgic., lib. III, vers. 280. Tibulle, eleg. IV, lib. II, parle ainsi :

    Et quod ubi indomitis gregibus Venus afflat amores
    Hippomanes cupidæ stillat ab inguine equæ.

  2. Ἐκρεῖ αὐταῖς ἐκ τοῦ αἰδοίου ὅμοιον γονῇ, λεπτότερον δὲ πολὺ ἢ τὸ τοῦ ἄῤῥε νος καὶ καλοῦσι τοῦτο τινὲς ἱππομανές. Humorem emittunt suis genitalibus similem genituræ, sed multò tenuiorem quàm mares, quem hippomanes nonnulli appelant. Aristot., Hist. Anim., lib. VI, cap. XVIII, p. m. 668. Voyez ci-dessus, num. X.
  3. Plin., lib. XXVIII, cap. XI, sub fin.
  4. Idem, lib. VIII, cap. XLII.
  5. Arist., Hist. Animal., lib. VII, cap. XXII.
  6. Virg., Æn., lib. IV, vers. 515.
  7. L’édition dont je me sers est celle de Lyon, 1681.