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DISSERTATION

vent s’écrier avec raison, bono Hercule publico ista licentia post casum imperii Romani inventa est [a]. Car si l’antiquité grecque, romaine, persane, carthaginoise, etc., en avait usé comme l’on en use aujourd’hui, ils auraient bien de la peine à nous prouver quelque chose, en se fortifiant même du secours des inscriptions et des médailles [b], monumens que les modernes emploient impunément pour satisfaire leurs caprices, sans se fonder sur un fait réel.

X. Satires modernes sur quelques galanteries. On se plaint sans sujet de la Hollande.

Je n’irai pas plus loin sans dire que les Cassius Sévérus sont de tous les temps. On a vu de nos jours un homme de qualité, qui, non content de composer des relations peu avantageuses à quelques dames de la cour, a poussé, dit-on, sa pointe jusqu’à la maison royale, et jusques au chef (D) ; ce qui montre que l’on peut dire fort véritablement de la satire, ce que Malherbe a dit de la mort,

Que la garde qui veille aux barrières du Louvre
N’en défend pas les rois.


Ce seigneur a été plus sage et plus heureux que le satirique de la cour d’Auguste. Celui-ci ne se corrigeant point dans son exil empira de telle sorte son état, qu’à peine avait-il enfin de quoi se couvrir aux parties de la honte [c] ; mais celui dont je parle en fut quitte à bon marché, et s’appliqua à des choses bien plus dignes de son bel esprit et de sa charmante plume (E).

On aurait tort de lui imputer les mauvaises imitations desquelles il n’a été cause que par accident. Mais il faut avouer qu’on a bien justifié la maxime, que les mauvais exemples enchérissent sans poids ni mesure les uns sur les autres (F). Combien d’histoires n’a-t-on pas publié contre les principales personnes de la cour de France, de celle de Bruxelles, etc., avec les noms, les surnoms et les qualités de chacune ; avec les circonstances les plus secrètes, les discours les plus cachés, et cent choses de telle nature, qu’il est impossible qu’elles soient venues à la connaissance de l’écrivain ? C’est ici que Gabriel Naudé pourrait dire avec plus de fondement ce qu’il a dit des Anecdotes de Procope, de l’Histoire de Mathieu Paris, de la Chronique Scandaleuse de Louis XI, des Mémoires de la Ligue, etc. [d]. C’est ici qu’on a raison de se récrier,

Quod genus hoc hominum, quæve hunc tam barbara morem
Permittit patria [e] ?


Mais non pas d’adresser cette apostrophe à la république de

  1. Ceci est une parodie d’un passage de Sénèque, Præfat., lib V, Controv.
  2. Voyez Rec. Fr., in-4°., pag. 781.
  3. Voyez ci-dessus, cit. (30) de l’article Cassius Sévérus, tom. IV, pag. 517.
  4. Alii denique similes libelli qui statim in vulgus effundunt, quid rex in aurem reginæ dixerit, quid Juno fabulata sit cum Jove. Hic autem omnes quoniam facta plerùmque atque infecta canunt, nunciique tam ficti quàm veri tenaces existunt, etc. Gabriel Naudæus, Bibliogr. polit., p. m. 70. Voyez, touchant les paroles imprimées en caractère romain, Plaute, in Trinummo, act. I, sc. II, vs. 170, pag. m. 735.
  5. Virg, Æn., lib. I, v. 539.