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SUR LE LIVRE DE JUNIUS BRUTUS.

Traité politique, etc., que tuer un Tyran n’est pas un Meurtre. On dit qu’il est traduit de l’anglais, mais le livre a premièrement été fait en français par un gentilhomme de Nevers, nommé monsieur de Marigni, qui est un bel esprit. Cette doctrine est bien dangereuse, et il serait plus à propos de n’en rien écrire. Je n’aime point qu’on fasse tant de livres de venenis, par la même raison : J’ai toujours en vue le bien public, et je n’aime point ceux qui y contreviennent. Il n’est point vrai que l’écrit anglais ait Marigni pour auteur ; il est Anglais d’origine et Marigni n’était point capable de la gravité et du sérieux qui règne dans cet ouvrage.

XIX. Autre déguisement sous Junius Brutus.

Au reste, Languet n’est pas le seul qui se soit caché sous le nom de Junius Brutus. Le fameux socinien Crellius l’a fait aussi dans un livre sur la Liberté de Conscience. Le Catalogue de la Bibliothéque d’Oxford en fait mention de cette manière : Junius Brutus Polonus ; Vindiciæ pro Religionis Libertate, et nous renvoie à Val. Magnus. Mais quand on va consulter l’article du père Valérien Magni, on n’y trouve rien qui ait du rapport à ce Junius Brutus Polonus, excepté qu’il y est fait mention d’un livre imprimé comme le sien à Eleuthéropolis [a] ; et, là même, le Catalogue nous renvoie à Pet. Haberkorunius, quoique M. Hyde n’ait mis sous ce nom-là aucune chose qui ait du rapport, ou au père Valérien, ou au Junius Brutus Polonais. On est renvoyé encore de l’article de Pétrus Haberkornius à celui de Feurbornius, où néanmoins il ne se trouve quoi que ce soit qui exprime aucun rapport aux autres articles. Je n’ignore pas la relation qui est entre le capucin Valérien Magni et le professeur Haberkorn : ils ont disputé l’un contre l’autre de vive voix, et Haberkorn a publié entre autres livres un Anti-Valérien (E), que M. Baillet n’a pas oublié dans son curieux recueil des Anti [b]. Mais puisque M. Hyde ne nous donne rien qui marque cela, il me semble que les renvois ne servent de rien, et que c’est un petit défaut d’exactitude dans un des ouvrages les plus exacts qui se soient faits en ce genre-là.

La fin de cette Dissertation sera un passage de la préface du Sorbériana. « Je n’ai jamais pu savoir ce qu’était devenu son [c] petit Traité de Pace et Concordiâ inter Christianos conciliandâ, non plus que la traduction qu’il avait faite du livre imprimé en l’année 1637, sous le titre de Junii Bruti Poloni. Vindiciæ pro Religionis Libertate, qui n’est pas, comme quelques-uns l’ont cru, du savant Hubert Languet, quoiqu’il se soit autre-

  1. Là même Bibliothéque des Anti-Trinitaires, qui apprend, pag. 117, que Crellius a écrit sous le nom de Junius Brutus, apprend, pag. 133, que cet autre livre a pour auteur Joachim Stegman, et qu’il a pour titre : Brevis disquisitio, quomodo vulgo dicti Evangelici Pontificios, ac nominatim Valeriani Magni de Acatholicorum credendi regulâ judicium, solidè atque evidenter refutare queant. Eleutheropoli, apud Godfridum Philalethium, 1613, in-12.
  2. Num. XXXIX.
  3. C’est-à-dire de Sorbière.