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ZOROASTRE.

ce soit, pource qu’ils disent qu’il introduit temerairement un mouvement, sans en supposer aucune cause precedente : et eux cependant disent que le vice, la meschanceté, et mille autres difformitez et imperfections des corps, aviennent par conséquence, sans qu’il y ait autre cause efficiente[1]. Mais Platon ne dit pas cela, ains despouillant la matiere de toute qualité, et mettant bien au loin arriere de Dieu toute cause de mal, a ainsi escrit, touchant le monde, en ses Politiques : Le monde a eu, dit-il, toutes bonnes choses de son auteur qui l’a composé, mais de son habitude exterieure du paravant : tout ce qu’il y a de mauvais, de meschant et d’injuste au ciel, il le tient de là, et puis il l’imprime ça bas aux animaux. Et après, un petit plus avant : Par trait de temps, dit-il, oubliance prenant pied, et s’imprimant en lui la passion de son ancien desordre et confusion, y domine de plus en plus ; et y a danger que venant à se dissoudre, il ne s’en retourne derechef plonger en sa fondriere vaste et infinie de diversité… Platon appelle bien voirement la matiere mere et nourrice, mais aussi, dit-il, que la cause du mal est la puissance motive resseante en icelle, et qui par les corps est divisible, qui est un mouvement desraisonnable et desordonné, mais non pas toutefois sans ame, laquelle il appelle disertement et expressément és livres de ses Loix, ame contraire et repugnante à celle qui est cause de tout bien, parce que l’âme est bien la cause et le principe de mouvement, mais l’entendement est la cause et le principe de l’ordre et de l’harmonie du mouvement : car Dieu n’a point rendu la matiere oiseuse, mais il a empesché qu’elle ne fust plus agitée ni troublée d’une cause folle et temeraire, et n’a pas donne à la nature les principes de mutations et de passions, mais elle estant enveloppée de toutes sortes de passions et de mutations desordonnées il en a osté tout le desordre et tout l’erreur qui y estoit, se servant pour outils propres à ce faire des nombres, des mesures et des proportions. »

Ce développement de la doctrine de Platon sur la création du monde, et sur l’origine du mal, est l’un des plus beaux endroits qui se trouvent dans Plutarque ; et quoique cette doctrine ne soit pas vraie, elle mérite pourtant d’être lue avec attention, et contient de belles idées et des conceptions sublimes, et d’une fécondité merveilleuse par rapport à ceux qui savent profiter des conséquences. C’est la raison qui m’a engagé à ne point tronquer cet endroit-là. Combien y a-t-il de gens qui le liront, qui ne prendraient pas la peine de recourir à Plutarque si je m’étais contenté de leur indiquer les pages, ou de la version d’Amyot, ou celles de l’original ? Une autre raison m’a empêché de me contenter de cela, c’est qu’on trouve dans ce passage de Plutarque certaines choses dont il faudra que je me serve ci-dessous[2].

(F) M. Hyde…… cite des auteurs qui le disculpent…….. Nous examinerons s’ils méritent d’être crus. ] Ceux qui ont lu le journal de M. Bernard[3] n’ont pas besoin qu’on leur apprenne que l’Historia religionis veterum Persarum, publiée par M. Hyde[4], à Oxford l’an 1700, in-4°., est un des beaux ouvrages qui se pût faire sur un tel sujet. L’idée que cet habile journaliste en donne fait assez entendre que cette Histoire de la Religion des anciens Perses contient une érudition exquise, et des discussions profondes qui déterrent des raretés, et qui découvrent des pays que l’on ne connaissait guère. Venons au fait. M. Hyde assure[5] que les anciens Perses n’ont reconnu qu’un seul principe incréé, c’était le principe du bien, Dieu, en

  1. Voyez ci-dessus, remarque (T) de l’article Chrysippe, philosophe, tom. V, pag. 182 ; et remarque (L) de l’article Pauliciens, tom. XI, pag. 502.
  2. Dans la remarque suivante.
  3. Nouvelles de la République des Lettres, mois de février 1701, art. III ; et mois de mars 1701, art. I.
  4. Professeur aux langues orientales dans l’université d’Oxford.
  5. Thomas Hyde, Hist. Religionis veter. Persarum, cap. IX, pag. 161.