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SAINCTES.

debatur effici posse adhibita. Cette censure n’est pas tout-à-fait sans fondement, mais elle aurait dû être moins sévère ; car voici le sens d’Arnobe. Nous ne sommes pas responsables des rêveries des juifs ; mais dans les choses qui pourraient nous être communes avec eux, il n’y a rien de mauvais quand on a l’intelligence du sens mystique. Il ne pouvait pas nier que, selon le sens littéral de l’Écriture, Dieu n’ait des mains et des pieds, une bouche et des yeux. Il fallait donc qu’il avertît les païens que ces expressions sont une nue et une enveloppe qui cachent la vérité. Ce fut en lui une adresse d’habile rhétoricien de n’insister pas sur cette objection, et de se contenter de quatre ou cinq lignes pour déclarer aux adversaires que les chrétiens ne donnent à Dieu aucune figure ni aucune composition organique. S’il eût voulu discuter plus exactement cette matière, comme avait fait Numénius, il eût énervé son ouvrage ; car comme il faisait une invective contre les païens, il ne fallait pas qu’il perdît du temps à leur répondre. Il valait mieux qu’il fût toujours attaquant ; il faut être le moins qu’on peut sur la défensive dans cette sorte d’ouvrages. Au reste, nous savons par Origène ce que fit Numénius en faveur des juifs[1] ; et cela nous montre que les païens n’ont point négligé les prétendus avantages qu’ils espéraient tirer des endroits de l’Écriture qui semblent attribuer à Dieu quelque imperfection. Les chrétiens avaient recours au sens figuré, et opposaient à ces passages ceux qui traitaient nettement de la perfection de Dieu. Mais l’ouvrage d’Arnobe ne souffrait guère cette diversion ; elle fournissait un prétexte de répondre qu’il fallait aussi expliquer les uns par les autres les passages des poëtes, et donner un sens de figure à quelques-uns. Ce n’était point là le lieu de réveiller cette idée. Le commentateur qui censure Arnobe n’y a pas pris garde.

  1. Orig. contra Celsum, lib. I, Héraldus rapporte le passage en grec.

SAINCTES (Claude de), en latin Sanctesius[a], l’un des principaux controversistes du XVIe. siècle, était du Perche (A). Il prit l’habit de chanoine régulier, l’an 1540[b], dans le monastère de Saint-Chéron proche de Chartres[c], et fut envoyé à Paris quelque temps après ; où il étudia les humanités, la philosophie et la théologie au collége de Navarre[d]. Il fut reçu docteur en théologie, l’an 1555[* 1], après quoi il s’attacha beaucoup à la controverse, et entra chez le cardinal de Lorraine[e]. Il fut l’un des tenans du parti romain dans les disputes du colloque de Poissi, l’an 1561, et ensuite l’un des douze théologiens que Charles IX envoya au concile de Trente. Lui et Simon Vigor disputèrent contre deux ministres, chez M. le duc de Nevers, l’an 1566[f]. J’en parle ailleurs[g]. Il prêcha dans Paris assez long-temps, et il fut fait évêque d’Évreux, l’an 1575. Il était si animé contre ceux de la religion, qu’il soutenait qu’il fallait rebaptiser ceux qu’ils avaient baptisés (B). Il n’oublia rien pour les exclure de son diocèse, et pour faire recevoir dans le royaume tous les canons du dernier concile, sans aucune restriction (C). Il ne couchait pas de moins que de soutenir que Calvin et Bèze avaient enseigné des athéismes[h]. Il se

  1. * Ce ne fut qu’en 1556, dit Leclerc.
  1. M.  de Thou l’appelle Sanctius.
  2. Moréri, sous le mot Claude de Sainctes, à la lettre C.
  3. In Cænobio sancti Carauni ad Carnutum. Jo. Launoïus, hist. Gymnasii. Navarræ, pag. 769.
  4. Idem, ibidem.
  5. Idem, ibidem.
  6. Et non pas 1566, comme l’assure Launoi, ibid.
  7. Dans l’art. Rosier, tom. XII. p.  628.
  8. Voyez le livre qu’il intitula : Déclaration d’aucuns athéismes de la doctrine de Calvin et de Bèze.