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SADUCÉENS

passages contre leurs erreurs, que dans le Vieux Testament contre celles des saducéens ? Chose plus surprenante : beaucoup de chrétiens sans cesser reconnaître la divinité de l’Écriture se moquent de la magie, et soutiennent que les démons n’ont aucun pouvoir[1]. Notons qu’un rabbin moderne révoque en doute ce qui est dit dans l’Écriture, que les saducéens ne croyaient pas l’existence des esprits. Cela, dit-il, serait une preuve qu’ils rejetaient le Pentateuque, qui fait mention des anges en divers endroits. De eo quòd sadducæi dicantur (Act. 23, 8.) negâsse spiritus, non disputo. Sanè, ut multi putant, sic sequeretur eos negâsse legem mosaïcam quæ variis in locis angelorum mentionem facit[2]. Il raisonne mal. Ces gens-là recouraient à des distinctions afin d’éluder la force de ces passages. Voyez Willemer[3], et les écrivains qu’il cite, et nommément Grotius[4]. Consultez aussi Vossius[5] qu’il ne cite pas. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’ils pratiquaient les rites des Juifs, et qu’ils faisaient profession d’espérer par-là les faveurs que Dieu a promises à ceux qui observeront sa loi, et d’éviter les malédictions que les infracteurs avaient à craindre. Promissionibus legis inhiabant, eoque nomine Deum sibi sacrificiis, precibus, jejuniis, aliisque cultûs levitici ceremoniis placare conabantur, ne iratum numen promissiones amplissimas à populo tolleret[6]. L’auteur qui me fournit ce latin montre à Lightfoot, que le passage de Malachie[7] ne convient point à cette secte, vu qu’elle n’a jamais cru ni qu’il fallût mépriser la loi, ni que l’observation de la loi fût inutile. Nequè sadducæorum doctrinæ et moribus convenit locus Malach. III, v. 14 ; nunquàm enim professi sunt sadducæi, Dei non esse observandam, aut observantiam logis esse frustraneam. Contrarium docet ipse Lightfoot Hor. Hebr. in Act. apost. p. 122, quænam, inquiens, religio sadducæi ? Orat, jejunat, sacrificat, observat legem, et tamen non expectat resurrectionem aut vitam æternam. Quorsùm hæc religio ? Ut obtineat scilicet bona temporalia quorum solùm promissionem observat ille factam in lege, nihil rimans ultra litteram[8]. Notez que le passage de Malachie conviendrait admirablement à certains saducéens, qui prenant garde à l’expérience auraient reconnu la fausseté des maximes de leurs docteurs.

(H) On leur a attribué de donner à Dieu un corps organique. Arnobe rapporte cela d’une manière qui est un peu censurable. ] Pesez bien toutes ses paroles. Neque quisquam judaïcas in hoc loco nobis opponat et sadducæi generis fabulas, tanquam formas tribuant atque os Deo. Hoc enim putatur in eorum litteris dici, et ut vel re certâ, atque auctoritate firmari : quæ aut nihil ad nos attinent, nec ex aliquâ portione quicquam habent commune nobiscum : aut si sunt, ut creditur, sociæ, quærendi sunt vobis altioris intelligentiæ doctores, per quos possitis addiscere, quibus modis conveniat litterarum illarum nubes, atque involucra relaxare[9]. Voici comment l’un de ses commentateurs l’a censuré : Nimis confusè Arnobius, dit-il[10], atque etiam periculosè. Nam de libris Veteris Testamenti tantâ temeritate loqui impium planè et horrendum. Hoc igitur ait quia rabbinorum scripta infinitis fabulis jam scatebant.......... Summam imperitiam prodit loco Arnobius. Atqui meliùs Numenius pythagoreus qui libro de summo bono primo Judæos in iis nationibus numeravit quæ Deum incorporeum existimabant, citatis etiam prophetarum testimoniis atque troporum enodatione, si quando contraria sententia vi-

  1. M. Becker, ministre à Amsterdam, a soutenu avec la dernière chaleur cette doctrine dans les livres en langue vulgaire. Il fut déposé pour cela : il prétendait ne rien dire qui fût combattu par l’Écriture.
  2. Manasse Ben-Israel, lib. I de Resurrect. Mortuor., cap. VI, pag. 43, apud Willemer., Dissert. de Sadducæis, pag. 38.
  3. Willemerus, pag. 38, 39.
  4. Grot., in Matth., cap. XXII, vs. 23.
  5. Vossius, de Orig. et Progr. Idol., lib. I, cap. VI.
  6. Willemer., pag. 41.
  7. Vous avez dit, c’est en vain qu’on sert à Dieu : et qu’avons-nous gagné d’avoir gardé ce qu’il a commandé de garder, et cheminé en pauvre état à cause de l’éternel des armées ? Malachie, chap. III, vs. 14.
  8. Willemer., pag. 25.
  9. Arnob., lib. III, pag. m. 106, 107.
  10. Desid. Heraldus, in Arnobium, p. m, 134.