Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T13.djvu/25

Cette page a été validée par deux contributeurs.
17
SADUCÉENS.

secte saducéenne. Or cet Antigonus succéda à Simon-le-Juste, dans la chaire du sanhédrin[1]. Ce Simon mourut l’an du monde 3662, ou selon d’autres 3690. On peut donc croire que l’innovation de Sadoc commença à se montrer l’an du monde 3700, c’est-à-dire 248 années avant Jésus-Christ. C’est ainsi que raisonne M. Willemer dans une thèse qu’il fit soutenir à Wittemberg, le 28 de septembre 1680. Quelques savans s’imaginent que l’hérésie des saducéens est plus ancienne, et qu’elle naquit du mauvais sens qu’on donna au chapitre XXXVII d’Ézéchiel, pendant que les prophètes Zacharie et Malachie vivaient encore. Lightfoot, qui avait suivi cette opinion dans son commentaire sur saint Matthieu[2], la quitta dans son commentaire sur les Actes des apôtres, et suivit un sentiment fort opposé ; car il soutint que l’hérésie saducéenne ne s’éleva que long-temps après que Sadoc fut mort[3]. Notez que Josèphe, la première fois qu’il parle de cette secte, ne la représente point comme un parti pleinement formé[4]. Le temps auquel se rapporte son discours est celui de Jonathas, frère de Juda Machabée : mettons donc cela cent cinquante-trois années avant Jésus-Christ. Il parla encore de cette secte environ cent ans après, et la représente très-ancienne[5]. Les Juifs, dit-il[6], avoient desja des long tems auparavant divisé leur sapience ou philosophie en trois sectes et bandes, assavoir, esseneens, saduceens, et pharisiens. Luc de Bruges a débité un sentiment bien hardi. Il croit que le collége des scribes, fondé par Esdras, devint florissant sous les Machabées, et qu’alors ces scribes commencèrent à examiner les questions du paradis et de l’enfer, parce qu’ils apprirent ce que les Grecs disaient là-dessus. Cet examen fit naître deux sectes, celle des saducéens, et celle des pharisiens ; ceux-ci prirent l’affirmative, et les autres la négative. Il prétend que le peuple juif se bornait aux récompenses et aux peines de cette vie, les seules que leur législateur eût proposées ; et que si les patriarches et les prophètes avaient été plus éclairés, ils n’avaient pas pourtant étalé le dogme d’une vie à venir comme un article de foi. Selon cette hypothèse, ce seraient les Grecs qui auraient appris aux Juifs l’immortalité de l’âme, les peines et les récompenses de l’autre monde, au lieu qu’on croit ordinairement que les païens ont tiré de l’Écriture ce beau système. Voici les paroles de ce docteur : Quùm tempore Macchabæorum plures florerent scribæ quorum collegium ab Esdrâ exordium sumserat, qui sapientiæ studerent, et ut jugo Græcorum subjacebant, nonnunquàm audirent Græcorum de his rebus (animæ humanæ immortalitate, corporis resurrectione æternis bonorum præmiis, et malorum suppliciis) fabulas, factum est ut cœperint quæstiones de his rebus in medium afferre, et inter se ventilare, atque à se mutuò dissidere, aliis ista adstruentibus, qui vocati fuêre pharisæi, aliis negantibus, qui saducæi. Ante hæc tempora non videtur popalus Israël quidquam de his rebus doctus fuisse, aut quidquam de istis publicè prædicatum, eò quòd lex harum rerum disertam mentionem non faceret, terrenas duntaxat spes minasque bonis malisque ob oculos ponens. Fuit quidem patriarcharum et prophetarum non dubia hic fides, quod vel undecimum caput epistolæ ad Hebræos testatum facit : sed multa à patriarchis et prophetis credita prædictaque fuêre quæ ut non proposita atque enarrata, ita ne credenda necessariò populo fuére, ut virginitas matris Messiæ, paupertas, passio, mors, resurrectio Messiæ. Videtur clara publicaque hujusmodi rerum æternarum doctrina Messiæ reservata fuisse : interim dum Messias expectaretur, quò paratiores forent animi ad excipiendam fidem de rebus hujusmodi invisibilibus, futuris

  1. Hujus Simeonis justi discipulus ac in cathedrâ synedrali successor fuit Antigonus Socharus, Johan. Helvicus Willemerus, in Dissert. philologicâ de Sadducæis, pag. 23, edit. Wittemb. 1680.
  2. Lightfoot, Hor. Hebraic., in Matth. III, 7, pag. 236, edit. Carp., apud Johan. Helvic. Willemer. ubi suprà, pag. 24.
  3. Idem, Hor. hebr. in Actus Apost., p. 123, apud sund., ibid., pag. 25.
  4. Joseph., Antiq., lib. XIII, cap. IX.
  5. Ἐκ τοῦ πάνυ ἀρχαίου τῶν πατρίων. Jam indè a multis retrò sæculis. Joseph., Antiquit., lib. XVIII, cap. II, pag. 617.
  6. Josèphe, traduit par Génebrard, t. XVIII, chap. II.