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SABELLICUS.

Il est vrai qu’il en doute ; mais il fallait dire positivement que c’est un mensonge ; car Sabellicus, en 1442, n’avait pas encore sept ans, et lorsqu’il fit imprimer ces LXIII livres de son Histoire, il les dédia au doge de Venise, Augustin Barbadigo, qui ne fut élevé à cette dignité que en 1486 [1] [* 1].

(F) Il recommanda l’impression d’un manuscrit...... Égnatius...... en fut critiqué. ] Voici le titre de cet ouvrage [2] : Marci Antonii Coccii Sabellici de omnium gentium omniumque seculorum de insignibus memoriâque dignis factis et dictis exemplorum libri X. Quæ ad vitæ mores, prudentiam sapientiamve comparandam conducunt plurimùm. Iccircò quùm omnibus qui illo libero beatoque litterarum olio perfruuntur, tùm verò inprimis qui vel adolescentiam in scholis, vel populum in concionibus docent utilissima sunt [* 2].

Jamais livre ne mérita mieux que celui-ci qu’on lui appliquât cette pensée de Pline : Inscriptiones propter quas vadimonium deseri possit : At cùm intraveris, dii deæque, quàm nihil in medio invenies [3] ! On nous le donne comme un ouvrage très-utile à tous ceux qui étudient, mais principalement à ceux qui régentent une classe, et aux prédicateurs. Je crois qu’en effet il peut servir à ceux qui ont à dicter des thèmes à de petits écoliers. Parlons d’Égnatius qui le publia. On trouva étrange sa conduite : les uns le blâmèrent d’inconstance, sous prétexte qu’il y avait eu entre lui et le défunt une longue inimitié. Ils désapprouvèrent qu’il eût changé de passion, et qu’il eût revêtu le personnage de bon ami en rendant de bons offices au manuscrit de Sabellicus. D’autres prétendirent qu’il ne l’avait publié que par un reste de haine, et qu’il savait bien que l’impression d’un tel livre ternirait la gloire de son auteur. Il se justifia dans une préface [4]. Il soutint que la constance ne demande pas qu’un homme mortel nourrisse des inimitiés immortelles, et qu’il n’y a rien de plus raisonnable que de sortir de la servitude de ses passions. Il ajouta qu’à moins que d’avoir un cœur de bronze, on eût été attendri par les prières du mourant, et que pour lui, il en fut si pénétré qu’il ne se sentit pas capable de refuser le bon office qui lui était demandé pour le manuscrit. Il nous dira mieux lui-même sa pensée. Nos verò cum aliis honestissimis causis adducti, et priùs Sabellicum funebri laudatione prosecuti sumus, et nunc pro virili opus hoc emendavimus. Cujus editionem moriens mihi ad se accersito, et gratam recordationem pietatis in se Michaëlis Trivisani Nicolaï filii, qui sub eo non parvo tempore meruerat, quique opus hoc lituris plenum exscribendum curârat, commendavit, ut tam obstinatum, tam durum, tam denique ferreum esse putem neminem, quem suprema illa vox moribundi hominis, atque adeò ab omni suspicione immunis non emollîsset : me certè adeò emolliit, ut nihil pro humanitatis jure negare homini præsertim jam morienti potuerim, majorem hoc facto laudem à bonis sperans, quàm quicquid de me Amasinii, et Rabirii isti recentes oblatrent attendens [5].

(G) M. Moréri a fait quelques fautes. ] I. La patrie de Sabellicus n’est pas un petit bourg : Léandre Albert [6] témoigne que c’est une place forte, tant par sa situation que par les ouvrages qu’on y a faits [7] ; et il ajoute qu’en 1533, Louis de Gonzague, général des troupes de Clément VII, l’assiégea, et y fut tué d’un coup de canon. II. La manière dont on réfute ceux qui disent que Sabellicus

  1. * Joly dit que Bayle pouvait ajouter ici qu’en 1442 l’imprimerie n’était pas encore connue. Sur le premier produit de cet art, voyez une note ajoutée à l’article Ailly, I, 327.
  2. (*) J’ignore si l’édition de Bâle, in-8°., 1541, a conservé la date de la préface d’Égnatius. Dans mon édition, qui est de Strasbourg, in-4°., grand papier, 1518. Cette préface est datée du dernier de décembre 1508. Le titre du livre est : Marci Antonii Coccii Sabellici exemplorum libri decem, ordine, elegantiâ, et utilitate præstantissimi. Ad christianæ pietatis augmentum et decus. Rem. crit.
  1. Chevill., Origine de l’Imprimerie de Paris, pag. 21.
  2. Je l’ai de l’édition de Bâle, 1541, in-8o.
  3. Plinius, in præf. Natur. Histor.
  4. Elle est à la tête du livre de Sabellicus.
  5. Egnatius, in præfat., sub fin.
  6. Leand. Albert., in Descript. Ital., pag. m. 214.
  7. Castellum nunc est cùm naturâ loci, tùm opere, munitissimum. Idem, ibidem.