Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T12.djvu/577

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
573
RONSARD.

Dés la poincte du jour je m’en vais à matines,
J’ay mon breviaire au poing, je chante quelquefois,
Mais c’est bien rarement, car j’ay mauvaise vois.
Le devoir du service en rien je n’abandonne,
Je suis à prime, à sexte, et à tierce, et à nonne,
J’oy dire la grand’ messe, et avecques l’encent
(Qui par l’eglise espars comme parfum se sent,)
J’honore mon prelat des autres l’outrepasse,
Qui a pris d’Agenor son surnom et sa race.
Apres le tour finy je viens pour me r’assoir[1].


C’est ce qui fit croire à ceux de la religion qu’il était curé. Notez que M. Ménage s’imagine qu’un ministre nommé de Mont-Dieu écrivît contre Ronsard[2] : il se trompe, c’est le nom de guerre que le ministre chandieu voulut prendre à la tête de cet écrit. M. Baillet[3] juge que Florent Chrétien prit ce faux nom. M. Colomiés accuse à tort la Croix du Maine de n’avoir point su, dans sa Bibliothéque, page 88, que Florent Chrétien a écrit contre Ronsard sous le nom de François de la Baronnie[4]. Je rapporte ailleurs[5] ce que Ronsard répondit sur l’acte de paganisme qu’on lui reprochait.

(F) On y érigea en son honneur un beau monument. ] Joachim de la Chétardie, conseiller clerc au parlement de Paris, fut prieur commendataire de Saint-Cosme vingt ans après la mort de Ronsard : il ne put souffrir que le tombeau de ce poëte illustre fût privé de distinction et d’inscription [6]. C’est pourquoi, faisant réparer le monastère, il y fit un tombeau de marbre qu’il orna d’une épitaphe [7], et d’une statue de Ronsard faite par un excellent sculpteur. Cùm magni Ronsardi cineres populari loculo, muto et illitterato jacere videret, melior æquiorque illis qui ejus opimis exuviis ditati sunt, tandiù manes esse neglectos non tulit, ac Ronsardum illum...... Chetardius marmoris altâ strue, statua ad viventis simulitidinem verissimé expressa, à Phidiâ lutetiano donavit, brevi notâ et elogio[8]. On donne dans ces paroles latines un coup de dent aux héritiers de Ronsard, comme s’ils n’avaient pris aucun soin de sa mémoire : cependant il est certain que Gallandius lui fit faire de magnifiques funérailles dans le collége de Boncourt dont il était principal. Testamento condito quo hæredem scripsit Johannem Gallandium juventutis parisiensis optimum moderatorem, cujus hospitio cùm Lutetiæ esset familiarissimè utebatur, qui dignam tanti viri memoriæ gratiam rependens ei exequiis perhonorificis posteà in scholâ Becodianâ suâ parentavit[9]. Voici une description de ces funérailles : « Le sieur Galland n’ayant enseveli amitié qu’il luy portoit sous un mesme tombeau, faisant ce que la France devoit, fit dresser un magnifique appareil en la chapelle de Boncourt, là où furent celebrées et imitées ses funerailles solennellement le lundy vingt-quatriesme de fevrier 1586. Le service mis en musique nombrée, animé de toutes sortes d’instrumens, fut chanté par l’eslite de tous les enfans des Muses, s’y estans trouvez ceux de la musique du roy, suivant son commandement, et qui regretta à bon escient le trespas d’un si grand personnage, ornement de son roiaume. Je n’aurois jamais fait à si je voulois descrire par le menu les oraisons funebres, les eloges et vers qui furent ce jour sacrez à sa memoire ; et combien de grands seigneurs avec ce genereux prince Charles de Valois, accompagné du duc de Joyeuse et du reverendissime cardinal son frère, ausquels Ronsard appartenoit, honorerent ceste pompe funebre, à laquelle l’eslite de ce grand senat de Paris daigna bien assister, comme à un acte public, suivie de la fleur des meilleurs esprits de la France. Apres disner le sieur du Perron prononça l’Oraison funebre avec tant d’eloquence, et pour la-

  1. Ronsard, Réponse à quelque ministre, pag. 95.
  2. Ménage, Anti-Baillet, chap. CXLV.
  3. Baillet, dans la Liste des Auteurs déguisés.
  4. Colomiès, Bibliothéque choisie, pag. 203.
  5. Dans l’article Jodelle, tom. VIII, pag. 283, remarque (D).
  6. Voyez le dépit de Pasquier, Recherches, liv. VII, chap. XI, pag. 648, voyant une sépulture si pauvre.
  7. Vous la trouverez dans Botéréius, ubi infra, page 567.
  8. Rodolphus Botéréius, Commentar. de Rebus in Galliâ gestis, lib. XVI, pag. 566, ad ann. 1609.
  9. Thuan., Hist, lib. LXXXIII, sub fin., pag. m. 43, col. 1.