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DICTIONNAIRE
HISTORIQUE ET CRITIQUE
DE PIERRE BAYLE.
PH.

PHAON, de Mitylène dans l’île de Lesbos, était un bel homme qui se fit extraordinairement aimer du sexe. La pauvre Sapho y fut prise comme bien d’autres, et le trouva si peu traitable qu’elle s’en désespéra, comme nous le dirons dans son article. Les poëtes, avec leur coutume de recourir au miracle à tout bout de champ, ont feint que cette beauté toute-puissante sur le cœur des dames lui avait été donnée par la déesse Vénus comme une récompense des services qu’elle en avait reçus lorsqu’il était maître de navire. Il la prit un jour dans son bâtiment sans s’informer qui elle était, et la passa avec toute sorte de promptitude où elle voulut [a] (A). Il ne demanda rien pour sa peine [b] ; mais il ne laissa pas d’être bien payé. Vénus fit présent d’un vase d’albâtre rempli d’un onguent dont il ne se fut pas plutôt frotté, qu’il devint le plus beau de tous les hommes [c]. Il mit en feu les femmes de Mitylène. La jeunesse lui revint, et ce qui s’ensuit [d]. Il en abusa, et il lui en coûta enfin la vie ; car on le tua sur le fait, je veux dire surpris en adultère [e]. Quelques-uns ont dit que la vertu d’une certaine herbe fut cause de l’amour que Sapho conçut pour lui (B).

  1. Élien. Hist. div., liv. XII, chap. XVII.
  2. Palæphatus, de Fabul.
  3. Élien. Hist. div., liv. XII, chap. XVII.
  4. Palæphatus, de Fabul. Lucianus, Dialog. Mortuor., tom. I, pag. 234.
  5. Élien. Hist. div., liv. XII, chap. XVII.

(A) Il passa...... Vénus où elle voulut. ] Il y a un passage de Lucien qui nous apprend, non pas où elle se fit porter, mais où elle s’embarqua. Μῶν καὶ σὐ τινα, ὥσπερ ὁ Φάων, τὴν Ἀϕροδίτην ἐκ Χίου διεπόρθμευσας͵ εἶτά σοι εὐξαμένῳ ἔδωκε νέον εἶναι καὶ καλὸν ἐξ ὑπαρχῆς καὶ ἀξιέραςον. Num tu quoque, demande Simylus à Polystrate, ut et Phaon ille Venerem à Chio transvexisti, ut optanti tibi illa dederit juvenescere, ac denuò formosum atque amabilem fieri[1] ? On pourrait recueillir de ces paroles, que Phaon demande pour récompense le retour

  1. Lucian., Dialog. Mortuor., tom. I, pag. 234.