tin, il faut dire que la supériorité de son génie tutélaire la remplit d’une extrême confiance. Amélius le priant d’assister à ses dévotions, je veux dire aux sacrifices qu’il offrait dans des jours de solennités : C’est à eux, répondit Plotin, à venir à moi, et non pas à moi d’aller à eux. Personne ne comprit le raison d’une si fière réponse, et n’osa la lui demander [1]. Vit-on jamais une théologie plus cavalière ?
- ↑ Ἐκείνους δεῖ πρὸς ἐμὲ ἔρχεσθαι, οὐκ ἐμὲ πρὸς ἐκείνους. τοῦτο δὲ ἐκ ποίας διανοίας οὕτως ἐμεγαληγόρησεν οὔτ’ αὐτοὶ συνεῖναι δεδυνήμεθα, οὔτ' αὐτὸν ἐρέσθαι ἐτολμήσαμεν. Illos decet ad me illos accedere. Quâ verò mente tam excelsâ de se loqueretur neque intelligere ipsi potuimus, neque ausi sumus interrogare. Porphyr. in vita Plotini.
(H) Je toucherai quelque chose… de la sagacité surprenante qu’on attribue à Plotin.] Une veuve [1] fort honnête femme, qui demeurait chez lui avec ses enfans, avait perdu un collier. Plotin fit venir tous les domestiques, et les ayant bien considérés, voilà le voleur du collier, dit-il, en montrant l’un d’eux. Celui-ci nia nonobstant les coups de fouet qu’il eut à souffrir ; mais enfin il confessa, et rendit le vol. Il prédisait admirablement la destinée de ses écoliers : il jugea que Polémon serait d’un tempérament amoureux, et ne vivrait pas longtemps. On vit arriver ces deux choses. Porphyre avait formé le dessein de se tuer ; Plotin le devina, et le fut trouver tout à l’heure, et le détourna de cette pensée [2]. Au reste, quoique Plotin eût fort étudié l’astrologie, il ne s’arrêta point à ses prédictions [3] : il en connut la vanité, et il réfuta souvent les astrologues.
(I) Longin avoue qu’il y trouvait de grandes obscurités.] Il cherchait avec empressement tous les livres de Plotin, et pour les avoir bien corrects, il pria Porphyre de lui communiquer son exemplaire ; mais en même temps il lui écrivit ce que l’on va lire. Hoc equidem tùm præsenti, tùm procul absenti, tùm habitanti Tyrum semper significavi, me scilicet non multa admodùm Plotini librorum argumente capore : ipsam verò scribendi formam intelligentiarumque frequentiam et quæstionum dispositionem admodùm philosophicam me amare suprà modum atque venerari [1]. À cet ongle on connaît le lion. Ce seul trait témoigne le discernement exquis, la pénétration judicieuse de Longin. On ne peut nier que la plupart des matières que ce philosophe examine ne soient incompréhensibles : cependant on découvre dans ses ouvrages un génie fort élevé, fécond, vaste, et une méthode serrée de raisonnement. Si Longin avait été un faux critique, s’il n’avait point eu l’esprit grand et beau, il se fût moins aperçu des ténèbres de Plotin. Ceci n’est nullement un paradoxe. Il n’y a point de gens qui se plaignent moins de l’obscurité d’un livre, que ceux qui ont l’esprit confus et embarrassé, et une pénétration bornée.
- ↑ Idem, Porphyr., in Vitâ Plotini, p. 10.
(K) On apprit des nouvelles tout-à-fait avantageuses du bon état de son âme.] Apollon se trouva la verve si échauffée quand Amélius le consulta sur le sort de son défunt maître, qu’il lui fit une réponse qui contient une cinquantaine de vers. Voici le précis de l’exposition que Porphyre en donne. Apollon déclare que Plotin avait été pacifique, débonnaire, vigilant ; qu’il avait continuellement élevé son âme pure vers Dieu ; qu’il s’était détaché de cette misérable vie autant qu’il lui avait été possible ; et que s’élevant avec toutes les forces de son âme, et par tous les degrés que Platon enseigne, vers cette divinité suprême qui surpasse tout entendement, il en avait été éclairé ; il avait joui de la vision de cet être souverain sans l’entremise des idées, mais en lui-même, et selon cette nature qui est au-dessus de toute intelligence : Ἐφάνη ἐκεῖνος ὁ μήτε μορφὴν τινα ἰδέαν ἔχων, ὑπὲρ δὲ νοῦν καὶ πᾶν τὸ νοητὸν ἱδρυμένος. Deus ille nec formam nec ideam aliquam habens, sed uper intellectum universumque intelligibile in se ipso consistens [1].
- ↑ Porphyr., in Vitâ Plotini.