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PYTHAGORAS.

luit, quàm Dionysio causas exponere propter quas pythagorei fabis abstinerent. Perindè etiam est quod de ipso Pythagorâ refert Suidas. Mylliæ uxor Timycha, in similem quæstionem veniens, suam sibi linguam præmordit, ne tormentis victa, cogeretur τῶν ἐχεμυθουμένων τι ἀνακαλύψαι arcanorum quidpiam detegere, referente Jamblicho [1]. M. Ménage cite un passage tiré de la Vie de saint Artémius, où l’on trouve que Théano, écolière et femme de Pythagoras, ne voulant point dire la raison qui les faisait s’abstenir des fèves, fut mise à mort ; mais elle eut la langue coupée avant qu’on la fît mourir [2].

Je remarquerai en passant que l’école de Salerne, dans l’édition de Réné Moreau, défend de manger des fèves ;

Manducare fabam caveas, facit illa podagram.

Les savans et amples recueils que ce médecin a publiés sur ce précepte méritent d’être consultés. On y trouvera bien des remarques qui concernent Pythagoras.

  1. Idem Windet, de Vitâ functorum Statu, pag. 84.
  2. Θεανὼ δἐ, ἡ τούτον γαμετή καὶ μαθήτρια, μὴ θέλουσα τὴν αἰτίαν κατειπεῖν, δἰ ἣν τὸν κυάμον οὐκ ἐσθίουσι, τὴν γλῶτταν ἐκτμηθεῖσα πρότερον καὶ αὐτὴ… προαπόλλυται, etc. Vita sancti Artemii, in Codice MS. Bibliothecæ Colbertinæ, numero 82, pag. 48, apud Menagium, Notis in Diogen. Laërt., lib. VIII, num. 50, pag. 378.

(K) Il passe… pour un insigne magicien.] Citons l’apologie des grands hommes accusés de magie. Il a été réputé sorcier et enchanteur, parce que premièrement il avait long-temps demeuré en Égypte, et s’était exercé en la lecture de livres de Zoroastre où il avait appris, comme il est à conjecturer, la propriété de certaines herbes qu’il nommait Coracésia, Callicia, Ménaïs, Corinthas, et Aproxis, desquelles les deux premières faisaient glacer l’eau quand elles y étaient mises, les deux suivantes étaient fort singulières contre la morsure des serpens, et la dernière s’enflammait soudainement de si loin qu’elle voyait le feu. Comme aussi en l’un de ses symboles il défendait expressément l’usage de fèves, lesquelles, suivant la même superstition, il faisait brouiller et les exposait quelques nuits à la lune, jusques à ce que par un grand ressort de magie elles vinssent à se convertir en sang, qui lui servait peut-être pour faire cet autre prestige duquel fait mention Cælius Rodiginus [* 1] après Suidas et l’interprète d’Aristophanes en la comédie des Nues, qui disent que ce philosophe écrivait avec du sang, un miroir ventru ce que bon lui semblait, et qu’opposant ces lettres à la face de la lune quand elle était pleine, il voyait dans le rond de cet astre tout ce qu’il avait écrit dans la glace de son miroir. À quoi l’on peut encore ajouter qu’il parut avec une cuisse d’or aux jeux olympiques ; qu’il se fit saluer par le fleuve Nessus ; qu’il arrêta le vol d’un aigle, apprivoisa une ourse, fit mourir un serpent, et chassa un bœuf qui gâtait un champ de fèves, par la seule vertu de certaines paroles. Et de plus qu’il se fit voir en même jour et en même heure en la ville de Crotone et en celle de Métapont ; et qu’il prédisait les choses futures avec telle assurance, que beaucoup tiennent qu’il fut nommé Pythagore, parce qu’il donnait des réponses non moins certaines et véritables que celle d’ Apollon pythien. Ces paroles sont de Naudé, au chapitre XV, page 215, de l’Apologie des grands Hommes. Il nous avertit à la page 214, qu’on peut recueillir cela de Jamblique, de Pline, de Tertullien, d’Origènes, de saint Augustin, d’Ammien Marcellin, du jésuite Delrio, et de Boissardus.

(L) Le sieur Naudé l’en justifie.] Consultez son Apologie des grands Hommes : je n’en tirerai que ce qui suit. « Les preuves qui sont fondées sur la défense que ce philosophe faisait de manger des fèves, et le moyen qu’il tenait pour convertir leur suc en sang, se peuvent aussi facilement réfuter que les précédentes, puisque Reuchlin se moque à bon droit de toutes les inepties que beaucoup de cervelles creuses et disloquées ont forgées sur cette défense, telles que pouvait être celle de Hermippus dans Diogènes, qui croyait que Pythagore avait mieux aimé se faire tuer sur le bord d’un champ de fèves, que

  1. * Lib. 9, cap. 23.