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PYTHAGORAS.

Cicéron insinue que l’interdiction des fèves était fondée sur ce qu’elles empêchent de faire des songes divinatoires ; car elles échauffent trop, et par cette irritation des esprits, elles ne permettent à l’âme de posséder la quiétude qui est nécessaire pour la recherche de la vérité. Ex eâdem item opinione M. Cicero, in libro de Divinatione primo, hæc verba posuit : Jubet igitur Plato sic ad sumnum profisci corporibus affectis, ut nihil sit quod errorem animis perturbationemque afferat. Ex quo etiam Pythagoreis interdictum putatur, ne fabâ vescerentur ; quòd habet inflationem magnam is cibus tranquillitatem mentis quærentibus contrariam [1]. Hæc quidem M. Cicero [2]. Le docte Windet approfondit plus doctement que personne les raisons de cette abstinence : il s’attache principalement aux portes d’enfer. Nous avons vu qu’une des raisons de Pythagoras était tirée de la ressemblance entre les fèves et ces portes-là. Windet rejette ceux qui ont dit que κυάμος, Pythagoras avait entendu la gorge les femmes, ou les testicules (78). Il se fixe au sens littéral ; mais il avoue que les fèves furent interdites par un principe de chasteté. Il débite une érudition exquise : il montre qu’au sentiment de Pythagoras, descendre dans les enfers signifiait être engendré, et ne voulait autre chose que le changement que souffre une âme qui sort des régions supérieures, pour s’unir sur la terre à un corps organisé. Cùm autem ἅδης (localiter) sit regio naturæ corruptibilis, hinc pythagoricis animæ cæleste solum vertentes atque ἰεῖσαι εἰς γένεσιν dicuntur etiam κατελθεῖν εἰς ἅδου (79). Il montre que les fèves, n’ayant point de nœuds dans leur tige, ressemblent aux portes de l’enfer par où les âmes ont toujours l’entrée libre, quand il s’agit de génération. Il ajoute que Pythagoras considérant cette vie comme une espèce de mort, ou d’exil, faisait en sorte qu’on n’engendrât pas, et qu’on s’efforçât de retourner aux lieux célestes. [3] Atque in eo portæ inferni similis est faba, διὰ τὸ ἀγόνατον εἶναι, quòd genuum expers sit, ut loquitur Aristoteles [4], vel διὰ τὸ δἰ ὅλου τετρῆσθαι, καὶ μὴ ἐγκόπτεσθαι, ταῖς μεταξὺ τῶν γονάτων ἐμφράξεσιν id est, proptereà quòd penitùs perforetur, nec articulorum sive geniculorum obicibus intercipiatur : perindé ac porta inferni nunquàm oppessulata animabus εἰς γένεσιν κατιούσαις in generationem udentibus perpetuò patet. Pythagoras ergò fabas vetando, cavit à generatione continuâ ac perpetuâ ; insinuans suis, satiùs fuisse pollutum, corruptibilis hujusce regionis hospitium nunquàm intràsse, sed quandò id integrum jam non fuerit, saltem ut admissi quàm primùm generationem sistant, atque ad superiora redire nitantur. Il réfute ceux qui croient que les fèves furent interdites aux disciples de Pythagoras comme un aliment immonde : ce fut, dit-il, pour des raisons saintes et mystérieuses, et qu’ils ne disaient à personne [5]. Quelques-uns d’eux aimaient mieux mourir que de révéler un si grand secret. Une pythagoricienne se coupa la langue, pour n’avoir nul sujet de craindre que la rigueur des tourmens ne la fît parler [6]. Ipsum autem Pythagoram ferunt se vitâ potiùs spoliandum persequentibus ultrò stitisse, quàm per fabetum fugâ sibi consulere voluisse. Jamblicus decem, Suidas quinquaginta pythagoreis itidem factum memorat. Myllias Crotoniata mori ma-

  1. Il y a dans Cicéron : inflationem magnam in cibus tranquillitati mentis quærenti vera contrariam. Il faut qu’Aulu-Gelle ait cité de mémoire. Voyez Philippi Caroli Animadversationes in A. Gellium, pag. m. 266, 267.
  2. Aulus Gellius, lib. IV, cap. XI, p. 131.
  3. Idem, pag. 110, 111.
  4. Apud Diogenem Laertium, lib. VIII, n. 34. Ἢ ὄτι ᾅδου πύλαις, ἀγόνατον γὰρ μόνον. Sive quòd inferni januis (similes sint fabæ) solæ enim geniculatæ non sunt.
  5. Nimis autem populariter dictum est. Ægyptios et Pheneatas ipsumque Pythagoram fabas utpotè immundas adspernatos : cum reverà non ob immunditiem sed ob sacras rationes abstinuerint. Windet, de Vitâ functorum Statu, pag. 81.
  6. Conférez ce que fit la courtisane Léæna dans Athènes. Pline, lib. XXXIV, cap. VIII, pag. m. 122 ; Athénée, lib. XIII, pag. 596 ; Pausanias, lib. I, pag. 41 ; Polyænus, lib. VIII, en parlent. Voyez le père Boubours, Entretien du secret, pag. m. 197, 198.