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PYTHAGORAS.

se ressentirent du bon effet des études de ce philosophe [1].

  1. Plurimis et opulentissimis urbibus effectus suorum studiorum approbavit. Idem, ibid., cap. VII, num. 2, in Externis.

(H) Les interprètes y ont trouvé une ample matière de conjectures.] Voyez, par exemple, ce qu’ils ont dit sur ce précepte pythagorique, ne t’assieds pas sur le chénix, chœnici ne insideas ; voyez-le, dis je, dans la docte dissertation que j’ai indiquée en un autre endroit [1]. M. du Rondel en est l’auteur. Cette méthode symbolique d’enseigner a été fort en usage dans l’Orient et l’Égypte. C’est de là sans doute que Pythagoras l’avait tirée. Il revint de ses voyages chargé des dépouilles de l’érudition de tous les pays qu’il avait vus. On prétend surtout qu’il fit une ample moisson parmi les Juifs, et qu’il apprit bien des choses d’Ézéchiel et de Daniel. On veut même que sa tétractis soit la même chose que le nom tetragrammaton, nom ineffable et tout rempli de mystères, à ce que disent les rabbins. Consultez le savant M. Huet. Adde, dit-il [2], et veri persimilem conjecturam Seldeni, et Wendelini, quâ mirificam illam Pythagoræ τετρακτύν ipsum esse suspicantur Dei nomen τετραγράμματον יהוה atque ejus notitiam a Daniele jam sene Pythagoram, cùm in Babyloniâ degeret, accepisse. Danieli adjungi poterat et Εzechiel, ut ostendam infrà. D’autres veulent que cette tétractys, ce grand objet de vénération et de sermens, ne fût autre chose qu’une manière mystérieuse de dogmatiser par les nombres [3]. Considérez ces paroles du Journal de Leipsic, à la page 204 de l’an 1685, dans l’extrait d’un livre anglais de Jean Turnérus. Ex hac ipsâ tamen gentilium notitiâ inscite à quibusdam colligi ait, Pythagoræorum tetractyn, quam tam reverenter habuerunt, et per quam jurare etiam soliti leguntur, esse unum idemque cum nomine tetrane grammato, quod à Judæis ipsi accenici perint… Aliam proindè viam demondans strat autor tetraetyn istam explicandi desumptamputa a methodo Pythagoræorum mysticá, quà dogmata sua ferè per numeros certos indicare et explanare fuerint soliti. Mais n’oublions par de dire que Pythagoras et ses successeurs avaient deux manières d’enseigner, l’une pour les initiés, l’autre pour les étrangers et pour les profanes. La première était claire et dévoilée ; la seconde était symbolique et énigmatique. Voyez là-dessus le chapitre XIII du livre de Jean Schefférus, professeur à Upsale, de Naturâ et Constitutione Philosophiæ italicæ. Ce livre fut imprimé à Upsale l’an 1664, in-8o.

  1. Dans l’article Épicure, tom.  VI, pag.  184, remarque (L).
  2. Huet, Demonstr. Evangel., propos. IV, cap.  II, num. 8, pag.  89, edit. Lips. 1694. Voyez aussi Marsham, Chron. Canon. Ægyptiac. sæc. XI, pag.  m. 277, 277.
  3. Διό καὶ ἐφθέγγοντο οἱ Πυθαγορικοί, ὡς μεγίστου ὅρκου ὄντος τῆς τετράδος, Οὐ μὰ τὸν ἁμετέρᾳ ψυχᾷ παραδόντα τετρακτύν, Παγὰν ἀενάου φύσεως ῤιζώματ’ ἔχουσαν. Itaque sanctissimum jusjurandum Pythagorei quaternario sunt complexi, quam tetractyn vocant. Per tibi nostræ animæ præbentem tetrada juro naturæ fontemque et firmamenta perennis. Plutarch., de Placit., lib.  I, cap.  III, pag.  877, A.

(I) L’ordre qu’il donnait de ne manger point de fèves.] Ceux qui expliquent cette défense littéralement allèguent, entre autres raisons, que Pythagoras fut instruit par les Égyptiens, et que même il se laissa circoncire, afin d’être admis à leurs mystères les plus secrets. ἵνα δὴ καὶ εἰς τὰ ἅδυτα κατελθών, τὴν μυςικὴν παρ᾽ Αἰγυπτίων͵ ἐκμάθοι φι. Propter quos (prophetas Ægyptios) etiam fuit circumcisus, ut adyta ingrediens Ægyptiorum mysticam disceret philosophiam [1]. Or les Égyptiens s’abstenaient des fèves : ils n’en semaient point, et s’ils en trouvaient qui fussent crues sans avoir été semées, il n’y touchaient pas [2]. Leurs prêtres poussaient plus loin la superstition, ils n’osaient pas même jeter les yeux sur ce légume : ils le tenaient pour immonde, ils eussent plutôt mangé la chair de leurs pères. Θᾶττον ἄν τὰς κεφαλὰς φαγεῖν φασι τῶν πατέρων ἢ κυάμους. Dicunt se parentûm capita citiùs esuros quàm fabas [3]. Il faut donc croire, conclut-on, que Pythagoras, le disci-

  1. Clemens Alexandrinus, Strom., lib. I, pag.  302.
  2. Herodotus, lib.  II, cap.  XXXVII.
  3. Sextus Empiricus, Pyrrhonic. Hypotyp., lib.  III, pag.  156. Voyez aussi saint Chrysos­tome, Homil. II in Johann.