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PYTHAGORAS.

du même accident [1] : or ces deux derniers observent qu’il ne se sauva de l’incendie que deux personnes, Archippe et Lysis : ce ne fut donc pas, dira-t-on, une barbarie exercée sur l’école de Pythagoras pendant sa vie. Car Lysis s’étant retiré à Thèbes y fut précepteur d’Épaminondas [2], qui mourut cent quarante-cinq ans après l’expulsion de Tarquin. Ce sont des doutes, j’en conviens ; mais non pas de fortes preuves contre ceux qui soutiendraient que l’incendie dont Lysis fut préservé arriva pendant la vie de Pythagoras. Notez que selon Plutarque, les deux pythagoriciens qui échappèrent furent Philolaüs et Lysis. Il dit cela dans le Traité du Génie de Socrate [3], et il y nomme Cycloniens ceux qui attachèrent le feu au collége de Pythagoras, dans Métapon. Dans un autre livre il les appelle Cyloniens, et il observe qu’ils brûlèrent Pythagoras. Καὶ ὁ Πυθαγόρου ζῶντος ἐμπρησμὸς ὑπὸ τῶν Κυλωνείων. Quod Pythagoræ vivo à Cyloneis illatum est incendium [4].

Si vous souhaitez de savoir le nom de l’auteur qui nous apprend que les disciples de ce philosophe se dépouillaient de la propriété de leurs biens, je vous renverrai à ces paroles d’Aulu-Gelle : Omnes simul qui à Pythagorâ in cohortem illam disciplinarum recepti erant ; quod quisque familiæ pecuniæque habebat, in medium dabant, et coibatur societas inseparabilis, tanquàm illud fuerit antiquum consortium, quod re atque verbo appellabatur κοινόβιον [5].

  1. Vossius, de Philosophor. Sectis, cap. VI, num. 26, pag. m. 38.
  2. Diog. Laërt., lib. VIII, num. 7. Cornelius Nepos, in Epaminondâ. Ælian., Var. Hist., lib. III, cap. XVII.
  3. Plut., de Socrat. Genio, pag. 583.
  4. Idem, de Stoïcor. Repugn., pag. 1051.
  5. Aul. Gell., lib. I, cap. IX. Voyez aussi Laërce, lib. VIII, num. 10.

(F) L’un de ses principaux soins fut de corriger les abus qui se commettaient dans le mariage.] Il représenta que le but que l’on se doit proposer dans l’union des sexes est de produire légitimement un autre soi-même ; qu’il faut tâcher d’avoir des enfans bien faits, sains et robustes ; qu’il les faut accoutumer au travail et à la sobriété, et les éloigner du plaisir vénérien jusqu’à l’âge de vingt ans, et leur recommander ensuite de ne s’y porter que de loin à loin. Necessum esse ut pueri et virgines in laboribus et exercitationibus omnibusque tolerantiæ ac temperantiæ generibus congruentibus educentur ; ut conveniens victus ipsis abhibeatur, et laborum amans, temperans et continens eorum vita sit : ut de usu rei venereæ serò erudiantur : ac pueros sic institui et educari oporteat, ut intrà vicesinium ætatis annum talem congressum nullo modo quærant. Cùm autem ad ætatem veneri maturam pervenerint, hâc rarò utendum esse ; incontinentiam enim, bonamque corporis habitudinem, rariùs conjunctas esse [1]. Il condamnait hautement ceux qui se portent à cette action après avoir trop mangé, et plus encore ceux qui s’y portent pendant qu’ils sont ivres [2]. Il voulait non-seulement que les maris renonçassent au concubinage, mais encore qu’ils observassent les loix de la chasteté et de la pudeur envers leurs épouses. Ils ne faisaient ni l’un ni l’autre ; mais on dit que ses remontrances les touchèrent jusqu’au vif, et qu’ils travaillèrent avec zèle à se réformer. Fertur et Pythagoras Crotoniates à pellicum et illegitimarum fæminarum consuetudine abduxisse ; maritosetiam monuisse, ut erga uxores suas casti et pudici forent : quo factum, ut Crotoniatæ omnem incontinentiam et luxuriam, quæ tùm temporis in urbe, ceu pestis, grassabantur, e medio tollere laborârint [3]. Les habitans de Crotone menaient une vie déréglée. Ils se mariaient pour la forme ; ils prenaient une épouse ad honores ; ils la négligeaient, et la méprisaient, et ne s’attachaient qu’à des concubines. C’était donner un mauvais exemple ; cette conduite est contagieuse : ils ne considéraient pas qu’il était à craindre que l’on ne les imitât, et peut-être qu’ils s’en mettaient peu en peine. La maxime frangenti fidem fragantur eidem, n’a que trop de lieu par rapport à la fidélité conjugale. Ce fut un désordre que Pythagoras entrepris de corriger. Si nous

  1. Omeisius, in Ethicâ Pythag., pag. 38 ex Jamblicho, in Vitâ Pythag., lib. I, cap. XXXI.
  2. Idem, pag. 39, ex eodem, ibidem.
  3. Jamblichus, ibidem, cap. XXVII, apud Oineisium, ibidem, pag. 40.