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PÉRICLÈS.

tôt de l’autre, selon les vents qui l’agitent [1]. Vous chercheriez en vain dans la Macédoine, qui était une monarchie, autant d’exemples de tyrannie, que l’histoire athénienne vous en présente. En voilà trop ; la digression est un peu longue. Voyez la remarque (S).

(R) Les fautes d’un autre écrivain français touchant Périclès. ] Il n’a point mis son nom à la tête de son ouvrage. C’est un livre qui fait imprimé à Paris, en deux volumes in-12, l’an 1699, et qui a pour titre : Histoire générale de la Grèce. On y trouve que Phidias fut accusé d’avoir en sa possession plusieurs deniers sacrés qui lui avaient été donnés par Périclès [2] .... Que les Athéniens imposèrent ce sacrifice à Périclès, et qu’ils accusèrent Anaxagore le philosophe, son précepteur, d’en être complice, et de lui avoir donné ces enseignemens [3]. Cet auteur n’a pas bien compris l’historien qu’il copie ; car voici ce que nous lisons dans Diodore de Sicile. On accusa Phidias d’avoir détourné une grande somme d’argent au su de Périclès, qui lui avait donné à faire la statue de Minerve. Là-dessus les ennemis de Périclès poussèrent le peuple à mettre en prison Phidias, et à faire informer contre Périclès touchant un tel sacrilége. Ils accusèrent aussi Anaxagoras de dogmes impies, et enveloppèrent Périclès dans la même accusation [4]. On ne saurait soutenir qu’un historien qui représente ce fait de la manière que l’auteur moderne le représente, ne le falsifie, et ne le déguise notablement. Quelques pages après, il dit que Périclès ayant fait l’oraison funèbre qui se trouve au second livre de Thucidide...., fut si accueilli de caresses et de courtoisies par les dames athéniennes, qu’au sortir de la tribune elles l’embrassèrent, lui baisèrent les mains, et couronnèrent sa tête de fleurs, comme s’il retournait triomphant des jeux olympiques [5]. C’est confondre les temps : la harangue de Périclès, rapportée par Thucydide, fut prononcée en l’honneur de ceux qui avaient été tués au commencement de la guerre du Péloponnèse. Mais alors les dames ne firent point de caresses à l’orateur. Si notre moderne avait bien examiné Plutarque qu’il cite, il aurait su que Périclès reçut ces caresses aprés l’oraison funèbre qu’il récita pour ceux qui avaient perdu la vie dans la guerre de Samos [6]. Il se passa environ dix ans depuis l’une de ces harangues jusqu’à l’autre [7]. Voyons une autre méprise de cet auteur. Après avoir rapporté les événemens des deux premières campagnes de la guerre du Péloponnèse, il dit que Périclès, fâché des reproches du peuple, harangua le conseil d’Athènes, et représenta plusieurs choses qui ne firent pas beaucoup d’impression sur les esprits [8], puisque ce grand homme fut condamné a une amende pécuniaire [9]. Mais, ajoute l’historien [10], il fut élu derechef général de l’armée d’Athènes, duquel honneur il ne jouit pas longtemps, car il mourut deux ans et six mois après. Il aurait donc vécu jusqu’à la cinquième année de la guerre du Péloponnèse ; et néanmoins selon Thucydide, qui le savait bien [11], il mourut deux ans et six mois après le commencement de cette guerre. Si l’on épluchait ainsi toute cette histoire générale de la Grèce, je pense qu’on y trouverait partout de telles erreurs.

(S) Les injustices et les désordres qui régnaient souvent parmi les Athéniens. ] Voyez dans la remarque (Q) ce que j’ai dit sur cela par forme de digression. Je n’y ajouterais rien si je ne savais qu’il y a eu des personnes à qui cette digression a été désagréable, et qui ont même assuré que j’étais le seul qui eût fait une remarque de telle nature. Il leur faut montrer qu’ils n’ont guère lu,

  1. Conférez ce que dessus, citation (75) de l’article Édouard IV, tom. VI, pag. 98.
  2. Histoire générale de la Grèce, tom. II, pag. 390.
  3. Là même, pag. 391.
  4. Diod. Siculus, lib. XII, cap. XXXIX.
  5. Histoire générale de la Grèce, tom. II, pag. 409.
  6. Voyez la remarque (N), citation (147).
  7. La guerre de Samos se fit dans la 84e. olympiade, et celle du Péloponnèse commença en la 97e.
  8. Histoire générale de la Grèce, tom. II, pag. 413.
  9. Là même, pag. 415.
  10. Là même, pag. 416.
  11. Thucydides, lib. II, pag. m. 118.