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PÉRICLÈS.

gères, mais les femmes nobles d’Athènes. Environ ce mesme temps fut aussi Aspasie accusée de ne croire point aux dieux, étant l’accusateur Hermippus faiseur de comedies, qui la chargea davantage, qu’elle servoit de maquerelle à Pericles, recevant en sa maison des bourgeoises de la ville, dont Pericles jouissoit. Diopithes au mesmes temps meit en avant un decret, Que l’on feist inquisition des mescreans qui n’ajouxtoyent point de foy aux choses divines, et enseignoyent certains propos nouveaux touchant les effects qui se font en l’air et au ciel, tournant la suspicion sur Pericles à cause d’Anaxagoras [1] Voyez ci-dessus la remarque (C).

(P) Quelques erreurs qui se rapportent à Aspasie. ] Quintilien s’est trompé en rapportant les questions qui furent faites à la femme de Xénophon. On lui demanda : Si l’or de vôtre voisine était meilleur que le vôtre, le quel aimeriez-vous mieux, le vôtre ou le sien ? Le sien, répondit-elle. Si ses habits et ses ornemens étaient plus riches que les vôtres, aimeriez-vous mieux les siens que les vôtres ? Oui, répondit-elle. Mais si son mari était meilleur que le vôtre, l’aimeriez-vous mieux que le vôtre ? Elle fut toute honteuse de cette demande, et ne répondit rien. Cicéron rapporte cela [2], et dit clairement que ces questions furent faites par Aspasie à la femme de Xénophon. Mais Quintilien assure qu’elles furent faites à Aspasie par la femme de Xénophon. Ut apud Æschinem Socraticum malè respondit Aspasia Xenophontis uxor : quod Cicero his verbis transfert [3]. Vossius a critiqué cette faute, et s’est trompé à son tour [4] ; car il a cru que Quintilien admettait deux Aspasies [5]. Ce n’est point en cela que consiste la méprise ; mais en ce que l’on a cru que l’Aspasie mentionnée dans le livre de Cicéron était femme de Xénophon. M. Colomiés a censuré cette faute de Quintilien [6], et observé que Brusonius la suivie [7]. Je ne saurais me persuader que cette bévue vienne d’ailleurs que des copistes ; je crois que Quintilien avait dit apud Æschinem Socraticum malè respondit Aspasiæ Xenophontis uxor. Un copiste presque demi-savant se sera imaginé qu’il fallait mettre Aspasia : il a cru que Quintilien avait rapporté le nom propre de la femme de Xénophon. Noter qu’Aspasie, ayant réduit la femme par ses demandes captieuses à n’oser répondre, s’adressa tout aussitôt au mari, et lui faisant les mêmes questions, le fit rougir dès la troisième, et le réduisit au même silence ; après quoi elle fit à tous deux une leçon bien sensée [8]. Le docte Léopardus ne savait pas que Quintilien, comme nous l’avons aujourd’hui, à été cause de l’erreur de Brusonius ; il s’est contenté de reprendre le moderne. Idem Brusonius, dit-il [9], eodem capite : Aspasia, inquit, Xenophontis uxor quùm esset (ut muliebre ingenium est) rerum alienarum appetens atque invida, interrogata, si vicina tua, etc. Voilà une faute que Léopardus n’a point critiquée. Brusonius, de sa pure autorité, vient supposer qu’Aspasie, femme de Xénophon, était avare et envieuse. Où a-t-il trouvé cela ? Est-il permis de forger de telles choses ? À quoi bon sa parenthèse ? Au reste, ayant montré à un savant humaniste ma petite correction de Quintilien, il la trouva bonne, et me fit voir quelques jours après dans son édition de Quintilien Variorum, que Turnèbe a déjà ainsi corrigé l’endroit.

Suidas a dit faussement que Périclès eut d’Aspasie deux garçons, Xanthippe et Paralus : il les eut de son autre femme.

Lloyd a dérobé à notre Aspasie un passage de Xénophon qui l’aurait pu

  1. Amyot, dans la tradution de la Vie de Périclès, pag. m. 608.
  2. Cicero, de Inventione, lib. I, folio m. 30, A.
  3. Quintil., lib. V, cap. XI, pag. m. 243.
  4. Vossius Institut. Oratoriar., lib. III, cap. V, pag. m. 406.
  5. Quintiliani lapsus in duabus Aspasiis. Id., ibidem, in Indice rerum et verborum.
  6. Falsus est Fabius, quique eum secutur est Brusonius in Apophthegm. Colomesius, Notis ad Quinctil., pag. m. 244 Opusculor.
  7. Voici tous Les titres de cet auteur : I.. Domitius Brusonius, Contorsinus, Lucanus. Il a fait un Recueil d’apophthegmes, sous le titre de Septem Facetiarum libri.
  8. Voyez Cicéron, de Inventione, lib. I, folio 30, A.
  9. Leopardus, Emendat., lib. XII, cap. XIII.