Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T11.djvu/634

Cette page n’a pas encore été corrigée
616
PÉRICLÈS.

et qu’il la baisait en entrant et en sortant. Ce qui nous renvoie au temps qu’il ne l’avait pas encore épousée. On a débité qu’il chassa sa femme, et que logeant avec Aspasie, fille de joie de Mégare, il se plongea dans la volupté, et qu’il dépensa pour cette garce une bonne partie de son bien [1]. Περικλέα δὲ τον Ὀλύμπιον ϕησὶν Ἡρακλέιδης ὁ Ποντικὸς ἐν τῷ περὶ ἡδονῆς, ὡς ἀπήλλαξεν ἐκ τῆς οἰκίας τὴν γυναῖκα, καὶ τὸν μεθ ̓ ἡδονῆς βίον προείλετο, ᾤκει τε μετὰ Ἀσπασίας τῆς ἐκ Μεγάρων ἑταίρας, καὶ τὸ πολὺ μέρος τῆς οὐσίας εἰς ταύτην κατανάλωσε. Periclem Olympium Heraclides Ponticus scribit, libro de voluptate, exactâ domo uxore voluptati se tradidisse, cum Aspasiâ scorto Megarico [2] habitâsse, et magnam rei familiaris partem in eam dilapidâsse. Cette femme, après la mort de Périclès, s’attacha à un personnage de basse naissance, et l’éleva aux premières charges de la république [3]. Ce qui témoigne que l’adresse de son esprit, et sa bonne langue, ne trouvaient rien d’impossible. Il fallait bien qu’elle entendît l’art de parler, puisque plusieurs Athéniens furent ses disciples de rhétorique. Elle s’acquit une telle réputation, que le jeune Cyrus donna le nom d’Aspasie à une maîtresse qu’il aimait et qu’il estimait uniquement [4]. Notre Aspasie fut cause que la république d’Athènes attaqua les Samiens. Ils étaient en guerre avec les Milésiens pour la ville de Priène, dont chaque parti se voulait attribuer la possession. Les Samiens remportèrent la victoire. Ainsi Aspasie, pour servir ses compatriotes, pria Périclès de faire déclarer les Athéniens contre ceux de Samos [5]. On dit aussi qu’elle fut la cause de la guerre de Mégare, qui fut le commencement de celle du Péloponnèse ; et que le motif d’Aspasie est bien honteux. Quelques jeunes Athéniens ayant trop bu, s’en allèrent à Mégare, et y enlevèrent une fameuse prostituée. Les Mégariens enlevèrent par représailles deux filles de joie d’Aspasie. Voilà le sujet de sa colère : c’est ce qui fit, disait-on, qu’elle employa tout son crédit pour faire que l’on attaquât les Mégariens, à quoi Périclès était assez disposé. Μεγαρεῖς δὲ.... τὰς αἰτίας εἰς Ἀσπασίαν καὶ Περικλέα τρέπουσι· χρώμενοι τοῖς περιβοήτοις καὶ δημώδεσι τούτοις ἐκ τῶν Ἀχαρνέων ςιχιδίοις, Πόρνην δὲ Σὶμαίθαν, ἰόντες Μεγάραδε Νεανίαι κλέπτουσι μεθυσοκότταβοι·
Κἆθ' οἱ Μεγαρεῖς ὀδύναις πεϕυσιγγωμένοι, Ἀντεξέκλεψαν Ἀσπασίας πόρνας δύο. Megarenses verò..... causam omnem in Aspasiam detorquent et Periclem, allegantque celebratos et vulgatos hosce versus Aristophanis ex Acharnibus,

Juvenes profecti Megaram ebrii auferunt
Simæthiam ex scortatione nobilem :
Megarensis hinc populus dolore percitus,
Furatur Aspasiæ duo scorta baud impiger [6].


Plutarque eût bien fait de rapporter les deux vers qui suivent ces quatre ; car ils contiennent la conclusion que le poëte tire de ce récit, c’est que trois garces furent cause que toute la Grèce fut en guerre [7].

Κᾀντεῦθεν ἀρχὴ τοῦ πολέμου κατεῤῥάγη
Ἑλλησὶ πᾶσιν, ἐκ τριῶν λαικαςριῶν.

Hinc initium belli prorupit
Universis Græcis, ob tres meretriculas.


Athénée, qui a rapporté les six vers d’Aristophane, venait de dire que l’école d’Aspasie avait peuplé de filles de joie tout le pays [8]. Καὶ Ἀσπασία δὲ ἡ Σωκρατικὴ ἐνεπορεύετο πλήθη καλῶν γυναικῶν, καὶ ἐπλήθυνεν ἀπὸ τῶν ταύτης ἑταιρίδων ἡ Ἐλλάς. ὡς καὶ ὁ χαρίεις Ἀριςοϕάνης παρασημαίνεται λέγων τὀν Πελοποννησιακὸν πόλεμον, ὅτι Περικλῆς διὰ τὸν Ἀσπασίας ἔρωτα, καὶ τὰς ἁρπασθείσας ἀπ᾽ αὐτῆς θεραπαίνας ὑπὸ Μεγαρέων, ἀνεῤῥίπισεν τὸ δεινόν [9]. Dalechamp tourne ainsi ce grec : Aspasia Socratica formosas mulieres, et cas quidem multas, Athenis præbuit. Jam indè scortis abundavit Græcia,

  1. Athèn., lib. X, pag. 533.
  2. Elle était de Milet, selon Plutarque. Peut-être qu’Héraclide la surnomme de Mégare, parce qu’elle y avait tenu bordel avant que d’aller à Athènes.
  3. Plut., in Pericle, pag. 165, D. Voyez aussi Harpocration, voce Ἀσπασία et les Notes de Valois,
  4. Voyez la remarque (C) de l’article Cyrus, tom. V, pag. 213.
  5. Plut., in Pericle, pag. 165, 166.
  6. Idem, ibidem, pag. 168, E.
  7. Notez que Plutarque n’adopte point ce fait-ci. Voyez la remarque (H), à l’alinéa.
  8. Athen., lib. XIII, pag. 570.
  9. Idem, ibidem, pag. 569, 570.