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PÉRICLÈS.

par un excellent orateur, n’enlève le monde. L’action fait presque tout. Voyez la remarque (C) de l’article Narni. Finissons par un passage de Thucydide, qui nous apprend que Periclès ayant le don, et de refréner les Athéniens quand ils étaient trop hardis, et de leur donner du courage quand ils ne l’étaient pas assez, était dans le fond le roi d’une république titulaire. Ὁπότε γοῦν αἴσθοιτό τι αὐτοὺς παρὰ καιρὸν ὕϐρει θαρσοῦντας, λέγων κατέπλησσεν ἐπὶ τὸ ϕοϐεῖσθαι, καὶ δεδιότας αὖ ἀλόγως ἀντικαθίςη πάλιν ἐπὶ τὸ θαρσεῖν· ἐγίγνετό τε λόγῳ μὲν δημοκρατία, ἔργῳ δὲ ὑπὸ τοῦ πρώτου ἀνδρὸς ἀρχή. Quoties itaque intelligebat eos quippiam intempestivè ferociterque conantes, orationis acrimoniâ deterrebat : quoties ab re formidantes, rursùs ad fiduciam erigebat. Denique verbo quidem, popularis status, re autem ipsâ, penes primarium virum principatus erat [1]. Plutarque a merveilleusement paraphrasé ce passage de Thucydide [2] : il y joint fort à propos ce que dit Platon sur la force de l’éloquence : il observe aussi que les poëtes se moquaient de la république, qui accordait tant de pouvoir à un seul homme ; et qu’ils exhortaient Periclès à s’engager par serment à ne tyranniser point. Αὐτὸν δ᾽ ἀπομόσαι μὴ τυραννήσειν κελεύοντες, ὡς ἀσυμμέτρου πρὸς δημοκρατίαν καὶ βαρυτέρας περὶ αὐτὸν οὔσης ὑπεροχῆς. ὁ δὲ Τηλεκλείδης παραδεδωκέναι ϕησὶν αὐτῷ τοὺς Ἀθηναίους. πόλεών τε ϕόρους, αὐτάς τε πόλεις, τὰς μὲν δεῖν, τὰς δὲ ἀναλύειν· λάϊνα τείχη, τὰ μὲν οἰκοδομεῖν, τὰ δὲ αὐτὰ πὰλιν καταϐάλλειν, σπονδάς, δύναμιν, κράτος, εἰρήνην, πλοῦτόν τ᾽ εὐδαιμονίαν τε. Ιpsumque jubent, ut cujus sint immodicæ opes et intolerabiles liberæ civitati, tyrannidem se usurpaturum abjurare. Teleclides permisisse ei refert Athenienses urbium tributa, ipsasque adeò urbes has ligare, illas solvere, muros lapideos nunc extruere, nunc eosdem demoliri, fœdera, opes, vires, pacem, opulentiam, fortunasque omnes [3].

N’oublions pas qu’avec une force de génie peu commune, il s’est servi très-heureusement de ses lumières philosophiques, pour donner un grand relief à son éloquence. Les hautes spéculations, et les profondeurs physiques et métaphysiques, dont il avait nourri son esprit par les leçons d’Anaxagoras, eussent été un obstacle à plusieurs autres qui auraient voulu aquérir la gloire de grands orateurs. Mais pour lui, il y trouva un excellent suc qui donna à ses harangues une force merveilleuse. Platon nous apprend cette belle particularité : ses phrases sont magnifiques : elles charmeront ceux qui entendent le grec. Πᾶσαι ὅσαι μεγάλαι τῶν τεχνῶν, προσδέονται ἀδολεσχίας καὶ μετεωρολογίας ϕύσεως πέρι. τὸ γὰρ ὑψηλόνουν τοῦτο καὶ πάντη τελεσιουργικὸν ἔοικεν ἐντεῦθεν πόθεν εἰσιέναι, ὃ καὶ Περικλῆς, πρὸς τῷ εὐϕυὴς εἴναι, ἐκτήσατο. προσπεσὼν γάρ, οἶμαι, τοιούτῳ ὄντι Ἀναξαγόρᾳ, μετεωρολογίας ἐμπλησθεὶς, καὶ ἐπὶ ϕύσιν νοῦ τε καὶ ἀνοίας ἀϕικόμενος (ὧν δὴ πέρι τὸν πολὺν λόγον ἐποιεῖτο Ἀναξαγόρας), ἐντεῦθεν εἵλκυσεν ἐπὶ τὴν τῶν λόγων τέχνην τὸ πρόσϕορον αὐτῇ. Magnæ quælibet artes exercitatione dialecticâ, contemplationeque sublimium in naturâ rerum indigent. Ipsa enim mentis sublimitas, et vis efficax in quâvis re perficiendâ, hinc quodammodò proficisci videntur : quod Pericles ad ingenii acumen adjunxit. Anaxagoræ namque hujusmodi rerum indagatoris familiaritate fretus contemplationi se tradidit mentisque et dementiæ naturam illam comprehendit, de quâ Anaxagoras diffusè disseruit. Undè ad dicendi artem quod ipsi conducere videbatur, traduxit [4]. Cicéron, qui avait en vue, ce me semble, ce passage de Platon, n’en exprime pas toute la sublimité. Périclès, dit-il [5], primus adhibuit doctrinam, quamquam tùm nulla erat dicendi, tamen ab Anaxagorâ physico eruditus exercitationem mentis à reconditis abstrusisque rebus ad causas forenses popularesque facilè traduxerat, hujus suavitate, etc. [6].

(E) Il ne fut pas à couvert des railleries satiriques de la comédie. ] Cratinus, Téléclide, Eupolis, Platon le

  1. Thucydides, lib. II, pag. 141, edit. Francof., 1614, in-folio.
  2. Plut., in Pericle, pag. 161.
  3. Idem, ibidem.
  4. Plato, in Phædro, pag. m. 1237, A, B.
  5. Cicero, in Bruto, pag. m. 72, 73.
  6. Vous trouverez la suite ci-dessus, citation (17).