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PERGAME.

Rhodiorum essent. Cæteræ civitates Asiæ, quæ Attali stipendiariæ fuissent, eædem Eumeni vectigal penderent : quæ vectigales Antiochi fuissent, eæ liberæ atque immunes essent [1]. Après un témoignage si formel, il ne serait pas nécessaire d’ouïr Cicéron : je le citerai pourtant, pour remarquer une faute qu’il a commise : Antiochum illum magnum, dit-il [2], majores nostri magnâ belli contentione terrâ marique superatum intrà montem Taurum regnare jusserunt : Asiam quâ illum multârunt, Attalo ut is regnaret in eâ, condonaverunt. Cicéron se trompe sur le nom du roi qui obtint du peuple romain un si beau présent. Ce fut Eumènes et non Attalus qui le reçut. Je ne sais point si quelque commentateur a observé cette méprise[3] ; mais je viens d’en consulter deux qui, au lieu de la remarquer, ont commis une autre faute. Attalo, dit Manuce[4], Eumenis fratri qui eam posteà populo romano moriens testamento legavit. Un autre dit Attalo Pergami regi qui moriens populum romanum fecit hæredem[5]. Il n’est pas vrai qu’Attalus, frère d’Eumènes, ait reçu du peuple romain les provinces qui furent ôtées à Antiochus, et il est faux qu’il les ait rendues au peuple romain par son testament. Celui qui choisit un tel héritier était Attalus, fils d’Eumènes. Le père Abram fait une autre faute : il croit que Cicéron parle d’Antiochus Épiphanes, et que cet Antiochus fut vaincu par Lucius Scipion [6] ; il se trompe. Antiochus Épiphanes ne régna qu’après Séleucus Philopator, successeur d’Antiochus-le-grand, et ce fut d’Antiochus-le-grand que les Romains triomphèrent sous les auspices de Lucius Scipion. Au reste, l’erreur de Manuce n’est qu’une copie de celle de Valère Maxime. Liberalis populus romanus magnitudine muneris, quod Attalo regi Asiam dedit dono. Sed Attalus etiam testamenti æquitate gratus, qui eandem Asiam populo romano legavit [7].

Notez que quand je fis cet article l’édition des Oraisons de Cicéron que M. Grævius a procurée, ne paraissait pas encore. Elle a paru depuis[8], je l’ai consultée en relisant tout ceci avant que de le donner aux imprimeurs, et j’ai trouvé que la faute du père Abram, celle de Manuce et celle de Cicéron, ont été marquées par M. Grævius. Voyez la page 78 et 79 du Ve. tome.

(H) Il perdit une bataille navale par un stratagème d’Annibal. ] Antiochus, ne se sentant point capable de protéger Annibal contre les Romains, qui lui demandaient de le leur livrer, l’avertit de prendre la fuite. Annibal se retira dans l’île de Crète, et puis à la cour de Prusias, roi de Bithynie, et lui inspira la hardiesse de rompre la paix que les Romains avaient établie entre lui et notre Eumènes. Les suites de cette rupture incommodèrent d’abord Prusias ; il fut battu par terre, et obligé de tenter si une bataille navale ne serait plus favorable[9]. Il la gagna, et voici comment, Annibal fit enfermer dans des pots de terre toutes sortes de serpens, et donna ordre de jeter ces pots dans les vaisseaux de l’ennemi. On suivit cet ordre, et l’on gagna la victoire ; car les équipages d’Eumènes furent consternés de se trouver au milieu de tant de serpens. Cùm Prusias terrestri bello ab Eumène victus esset, et prælium in mare transtulisset, Annibal novo commento auctor victoriæ fuit. Quippè omne serpentium genus in fictiles lagenas conjici jussit, medioque prœlio in naves hostium mittit. Id primum ponticis ridiculum visum, fictilibus dimicare, qui ferro nequeant. Sed ubi serpentibus repleri naves cœpêre, ancipiti periculo circumventi, hosti victoriam cessêre[10]. Cornélius Népos raconté cela plus amplement, et observe que l’intention principale d’Annibal fut

  1. Titus Livius, lib. XXXVII, cap. LV. Voyez le passage de Strabon que je citerai dans la remarque contre Moréri.
  2. Cicer., in Oratione pro Sextio, p. m. 92.
  3. Voyez les dernières lignes de cette remarque.
  4. Paulus Manutius, in Oration. Ciceronis pro Sextio, pag. 93.
  5. Nicol. Abramus, in eamd. orat., p. 100.
  6. Antiochum Epiphanem sive illustrem de quo auspiciis Luc. Scipionis Asiatici superato Appianus in Syriacis, ect. Idem, ibidem.
  7. Valer. Maximus, lib. V, cap. II, num. 3, in extern.
  8. C’est-à-dire l’an 1699.
  9. Justinus, lib. XXXII, cap. IV.
  10. Idem, ibidem.