Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T11.djvu/530

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
512
PEYRÈRE.

chose de lui dans l’article de Balzac [a], et je vais donner une preuve de la petitesse de son génie (B).

  1. Citat. (43), tom. III, pag. 75.

(A) Il ne méritait pas que de savans hommes le réfutassent, et cependant il eut cet honneur. ] Son petit livre De la Vie perdurable de Melchisedech, imprimé l’an 1622, fut réfuté par le jésuite Salian. Son Job, imprimé l’année suivante, fut réfuté par le capucin Bolduc, et par le jésuite Pétau[1]. Il eût dû remercier ce jésuite, et non pas avoir l’imprudence de l’attaquer par un ouvrage de chronologie qu’il intitula Disciple des Temps. C’est de lui qu’on parle, sans le nommer, dans la préface de la IIe. partie du Rationarium Temporum du père Pétau, où l’on dit que de tant d’ouvrages de chronologie qui avaient paru jusques à ce temps-là, il n’y en avait point de plus misérable que celui qui avait pour titre : Sainte Chronologie. La Peyre en était l’auteur, comme aussi d’un petit in-folio imprimé l’an 1629, et intitulé La Sainte Géographie, c’est-à-dire exacte Description de la Terre, et véritable Démonstration du Paradis terrestre... Je m’étonne que Vossius n’ait point placé cet auteur dans sa longue liste des chronologues.

(B) Je vais donner une preuve de la petitesse de son génie. ] L’abbé de Marolles me la fournit. M. le Febvre Chantereau, dit-il[2], maintient que la commune façon de compter les années de notre Seigneur est la meilleure, et préférable à toutes les autres, contre les sentimens de Scaliger, du père Pétau et des autres qui admettent quelques années de plus, ou qui en retranchent quelques-unes : et comme je vis qu’en cela il donnait des louanges à feu M. de la Peyre, Jacques d’Auzoles, et que j’ai aussi fort connu, je m’en étonnai un peu, parce que ce bon homme, quoiqu’il s’y fût extrêmement appliqué, n’y avait pas un génie merveilleux ; ce qui me fut aisé de connaître de l’opinion qu’il avait conçue qu’on pourrait ne donner à l’année que trois cent soixante-quatre jours, au lieu de trois cent soixante-cinq, et de quelque chose de plus, afin qu’elle commençât toujours par un dimanche, et qu’elle finît toujours par un samedi. Sans mentir, il fallait bien qu’il n’entendît pas admirablement sa science : car si en cela on voulait suivre son sentiment, il se trouverait que bientôt le mois de janvier se trouverait en la saison du mois d’août, parce que l’an aurait toujours un jour et quelques heures de moins : ce qui étant perdu sur les mois, il faudrait infailliblement qu’ils changeassent de saison : mais il ne put jarnais entendre cela, et s’en mit en d’étranges colères, d’où j’inférais que M. de la Peyre n’était ne pas si merveilleux, qu’il pensait l’être, dans la science dont il faisait profession. Il observa quelquefois dans ses disputes ce qui se pratique dans les exploits des plaideurs ; car il déclara où il avait fait élection de domicile. Il data son Anti-Babau, à Paris, de la maison de M. Couturier, homme de bien et d’honneur, où il faisait sa demeure, le 25 d’août 1631[3]. Cela ne sent-il pas bien son petit esprit ?

  1. Voyez les Anti de M. Baillet, articulo CLV.
  2. Marolles, Mémoires, pag. 271, 272.
  3. Baillet, dans ses Anti, artic. CLV.

PEYRÈRE (Isaac la), natif de Bordeaux, s’est rendu fameux par son Traité des Préadamites, qui fut imprimé en Hollande, l’an 1655 (A), et qu’une foule d’auteurs réfutèrent tout aussitôt (B). Il était alors de la religion, et il avait une charge chez M. le prince de Condé. Quoiqu’il n’eût point mis son nom à la tête de cet ouvrage, on l’en connaissait néanmoins pour l’auteur, et de là vint qu’on l’emprisonna dans le Pays-Bas espagnol (C). Il ne trouva point de meilleur moyen de sortir d’affaire, que de rejeter son dogme sur le principe