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PAULICIENS

PAULICIENS. C’est ainsi qu’on nomma les manichéens dans l’Arménie, lorsqu’un certain Paul se rendit leur chef au VIIe siècle. « Ils parvinrent à une si grande puissance[* 1] ou par la faiblesse du gouvernement, ou par la protection des Sarrasins, ou même par la faveur de l’empereur Nicéphore, très-attaché à cette secte, qu’à la fin persécutés par l’impératrice Théodore, femme de Basile,[* 2] ils se trouvèrent en état de bâtir des villes, et de prendre les armes contre leurs princes. Ces guerres furent longues et sanglantes sous l’empire de Basile le Macédonien, c’est-à-dire à l’extrémité du IXe. siècle[a] ». On avait fait néanmoins un si grand carnage de ces hérétiques sous l’impératrice Théodore (A), qu’il semblait qu’ils ne seraient jamais en état de se relever. On croit que les prédicateurs qu’ils envoyèrent dans la Bulgarie (B), y établirent l’hérésie manichéenne, et que c’est de là qu’elle se répandit bientôt après dans le reste de l’Europe[b]. Ils condamnaient le culte des saints, et les images de la croix (C) ; mais ce n’était point là leur principal caractère. Leur doctrine fondamentale était celle des deux principes coéternels, indépendans l’un de l’autre. Ce dogme donne d’abord de l’horreur, et par conséquent il est étrange que la secte manichéenne, ait pu séduire tant de monde (D). Mais d’autre côté on a tant de peine à répondre à ses objections sur l’origine du mal (E), qu’il ne faut pas s’étonner que l’hypothèse des deux principes, l’un bon et l’autre mauvais ait ébloui plusieurs anciens philosophes, et trouvé tant de sectateurs dans le christianisme, où la doctrine qui apprend l’inimitié capitale des démons pour le vrai Dieu, est toujours accompagnée de la doctrine qui apprend la rébellion et la chute d’une partie des bons anges. Cette hypothèse des deux principes aurait fait apparemment plus de progrès, si l’on en avait donné le détail moins grossièrement, et si on ne l’avait pas accompagnée de plusieurs pratiques odieuses[c], ou s’il y eût eu alors autant de disputes qu’aujourd’hui sur la prédestination (F), dans lesquelles les chrétiens s’accusent les uns les autres, ou de faire Dieu auteur du péché, ou de lui ôter le gouvernement du monde. Les païens pouvaient mieux répondre que les chrétiens aux objections manichéennes (G) ; mais quelques-uns de leurs philosophes s’y trouvaient embarrassés[d]. Il faudra marquer en quel sens les orthodoxes semblent admettre deux premiers principes (H), et en quel sens on ne peut pas dire, que selon les manichéens, Dieu soit l’auteur du péché (I). Nous critiquerons aussi un moderne qui a nié que la doctrine qui fait Dieu auteur du péché conduise à l’irréligion. Il a même dit que cette doctrine élève Dieu au plus haut faîte de gran-

  1. (*) Cedrenus, tom. 2, pag. 480.
  2. (*) ibid., pag. 541.
  1. M. de Meaux, Hist. des Variations, liv. XI, num. 13, pag. m. 128.
  2. Là même, num. 16, pag. 131.
  3. Voyez la rem. (B) de l’article Manichéens, tom. X, pag. 189.
  4. Voyez la rem. (G).