tions touchant les marques de virginité ; je voulus savoir à quoi elle avait connu d’abord que cette femme, que nous allions ouvrir, avait eu des enfans. Elle me fit observer les plis du ventre ; et comme je lui répliquai qu’il se pouvait faire qu’elle eût été hydropique, ou qu’elle eût eu le ventre enflé par d’autres causes que par la grossesse, et que les mêmes plis fussent restés ; pour me convaincre, elle me fit voir, et à toute la compagnie, ce que les sages-femmes appellent entr’elles le déchirement de la fourchette, qui est une dilacération de l’entrée de l’orifice externe vers l’anus, qui se fait toujours à la sortie du premier enfant, et qui par conséquent est une marque indubitable de l’accouchement qui a précédé. » De ces deux marques d’accouchement, la première est plus terrible, sans comparaison, que la seconde à une fiancée qui passe pour fille ; car elle a tout lieu d’espérer que son époux ne connaîtra point la seconde, et tout lieu de craindre qu’il connaîtra l’autre. Et par-là nous entendons le vers d’Ovide beaucoup mieux que par les commentateurs, et nous connaissons clairement pourquoi les filles romaines s’exposaient à un péril si redoutable, afin d’éviter rugarum crimen, que les rides de la peau du ventre ne manifestassent leur crime. C’étaient donc des rides beaucoup plus à craindre que les rides du visage, et il ne faut point douter qu’on n’en sache communément les conséquences dans notre siècle, comme on les savait dans celui d’Auguste, et que cela ne laisse de grands soucis aux personnes mêmes qui ont été secourues de Lucine[1], avec le plus grand secret du monde. Leurs invocations conçues selon le formulaire des prières que l’on adressait à Laverna[2],
Labra movet, metuens audiri : pulchra Laverna,
Da mihi fallere ; da justo sanctoque videri :
Noctem peccatis et fraudibus objice nubem[3].
Leurs invocations, dis-je, parfaitement
exaucées selon l’esprit de cette
formule, ne rassurent point contre
les approches d’un nouvel époux qui
ne s’attend point à trouver des rides,
ou des replis ; et de là vient qu’on
recourt aux drogues le plus tôt qu’il
est possible. Henri Étienne avait raison
d’observer que de son temps maintes
dames avaient plusieurs préservatifs
qui les gardaient de devenir grosses[4].
L’ancienne Grèce et l’ancienne
Rome n’étaient que des novices dans
ce mauvais art, en comparaison du
XVIe. siècle ; et l’on veut que le siècle
XVII ait surpassé encore le précédent ;
néanmoins, on y a mis en
pratique les plus grossières et les plus
dangereuses manières dont Ovide ait
fait mention. Lisez M. l’abbé de Marolles,
sur ce passage d’Ovide[5] :
Vestra quid effoditis subjectis viscera telis !
Pourquoi vous percez-vous les entrailles
avec de petits traits aigus ?
« C’est une chose étrange, dit-il[6],
qu’une si damnable invention ait
été mise en usage de si longue
main, et qu’elle ait été renouvelée
de nos jours. Une mauvaise
femme convaincue de ce crime abominable,
après avoir tué la mère,
ne croyant que tuer l’enfant dans
son ventre, a été châtiée et punie
exemplairement à Paris, la même
année que j’ai composé ce livre. »
Quelque ingénieuses que puissent être
les passions qui sont soutenues par le
point d’honneur, les risques sont
grands encore aujourd’hui pour une
fille ou pour une veuve qui laisse
aller le chat au fromage, car assez
souvent les préservatifs se trouvent
trop courts : le neuvième mois tombe
sur le dos, et c’est là le diable ; c’est
la scène la plus fâcheuse de toutes.
J’en prends à témoin ces vers de madame
Deshoulières :
BALLADE à Mademoiselle D***.
Ores est temps de vous donner conseil
Sur les périls où beauté vous expose.
Fille ressemble à ce bouton vermeil
Qu’en peu de jours on voit devenir rose.
Tant qu’est bouton, on voudrait en jouir,
Nul ne le voit sans désir de rapine :
Dès que soleil l’a fait épanouir,
- ↑ Déesse qui présidait aux enfantemens.
- ↑ Déesse qui était la patrone des vols et des entreprises qu’on voulait cacher.
- ↑ Horat., epist. XVI, lib. I, vs. 60.
- ↑ Henri Étienne, Apologie d’Hérodote, pag. 226.
- ↑ Ovid., eleg. XIV, lib. II Amorum, vs. 27.
- ↑ L’abbé de Marolles, Remarques sur le IIe. livre des Amours d’Ovide, pag. 269, 270. Ce livre fut imprimé l’an 1661.