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PATIN.

lui ôte, il ne serait pas nécessaire d’énerver un peu l’empire du point d’honneur ; c’est-à-dire de diminuer notablement l’ignominie d’une femme non mariée qui fait des enfans : car on remarque que dans les pays moins délicats sur cette affaire, et où de telles personnes trouvent aisément à se marier, et se produisent dans les compagnies la tête levée, les avortemens sont beaucoup plus rares ; les juges sont moins occupés à punir celles qui étouffent leurs enfans. Un homme grave répondit tout aussitôt, et prouve par de très-bonnes raisons, que le remède serait pire que le mal, et qu’il n’y a rien que la république doive maintenir avec plus de soin, que la crainte du déshonneur, lorsqu’elle est liée à des actions criminelles comme dans le cas présent. C’est pour cela, disait-il, que les magistrats doivent être extrêmement réservés à infliger une note d’infamie. Un homme flétri perd le frein qui le retenait dans son devoir, et l’on craint moins l’infamie, lors qu’on la voit mettre à tous les jours. Da principio si hanno in grande horrore gli infami, mentre si veggono misti tra gli altri cittadini : ma con l’assuefarsi a tolerarli, pare, che sì di giorno in giorno si allegerisca la macchia, che quasi al fine svanisca in tutto. Così viensi à poco à porre in uso nella città il trascurare l’infamia, errore d’ogni altro più grave, e più pericoloso per il viver civile. Però stimo io bene l’andar lento à dichiarar pubblicamente infami i rei, quando la nota, con cui si segnano, non sia perpetua per terrore degli altri. Perche, se ben l’infamia nasce propriamente dalla operatione, di chi commette il misfatto, nondimeno non bene manifesta da tutti si discerne, finche pubblica dichiaratione non vi si aggiunga[1]. Mais, puisque j’en si tant dit, on me permettra d’ajouter encore ce petit mot. Voulez-vous voir clairement combien la force du point d’honneur est supérieure à celle de la conscience ? considérez l’une des six cents femelles qui avaient défait leur enfant. La religion les en détournait par plusieurs motifs : elle leur montrait le parricide, la damnation éternelle de l’enfant, l’injustice de leur intention, et le bon usage qu’il fallait faire de leur faute. Elles voulaient conserver la réputation des femmes d’honneur : ce dessein était injuste, c’était un vol, une usurpation toute pure d’un bien qui ne leur appartenait pas : c’était même une usurpation estimée à un très-mauvais usage, à tromper le public en général, et un mari en particulier, car elles souhaitaient d’être en état de se donner à un homme comme une fille chaste et pudique, et sans nulle tare. Le profit qu’elles pouvaient tirer de laisser connaître leur faute, était grand par rapport à leur salut ; elles en pouvaient tirer mille raisons d’humilité, et de contrition. Le point d’honneur n’eut qu’à se montrer, il renversa tout ce grand nombre de batteries. Ne faut-il pas reconnaître qu’il est mille fois plus fort que la conscience ? L’auteur Italien est encore ici pour moi. Però si doverà à giudicio mio asserire, che assolutamente la religione sia più atta à render gli huomini giusti, et innocenti : ma che all’ incontro per lo rispetto degli interessi, e per la ripugnanza degli affetti, i quali quasi venti contrarii, turbano il mare della vita civile, più. operi per la felicità morale il zelo dell’ honore. Perche gli huomini sono più facili à moversi à bene operare per lo premio dell’ honore, et a guardarsi dal mal fare per la macchia della infamia, che si veggono innanzi à gli occhi, che per le promesse di premii, è pur di castighi futuri, e lontani[2].

(D) Pour peupler les limbes. ] Ceci n’a guère besoin de commentaire après ce qu’on vient de dire : on ajoutera néanmoins un passage de M. Drelincourt. Il semble, dit-il[3] en parlant aux missionnaires, que quelques maîtres de vos écoles soient effectivement descendus dans les entrailles de la terre, et qu’ils en aient exactement reconnu et visité toutes les cachettes. Leur opinion la plus commune est, [* 1] qu’il y a sous la terre quatre

  1. (*) Voyez le cardinal Bellarmin, en son Traité du Purgatoire.
  1. Lodovico Zuccolo, Academico Filipono di Faenza, Discorso dell’ Honore, cap. XXIII, p. 122, edit. Venetæ, 1623,
  2. Lodovico Zuccolo, Discorso dell’ Honore, capit. XX, pag. 106.
  3. Drelincourt, Dialogue sur la Descente de Jésus-Christ aux Enfers, pag. 309, édit. de 1664.