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ORIGÈNE.

mence des justes, et donnèrent une infinité d’élèves à l’évangile. Mais cette preuve devint équivoque après que le christianisme se fut partagé en diverses communions : elles eurent toutes leurs martyrs, et ainsi pour n’être pas abusé, il fallait entrer dans la discussion de la doctrine, et renoncer à cette voie abrégée de la vérité : une telle communion a des martyrs, donc elle est bonne.

(G) Il vaut mieux dire que les erreurs d’Origène coulent d’une même source.] C’est dans ses trois livres des Principes[1] qu’il les a développées et établies, et tellement liées l’une avec l’autre, qu’on les y voit toutes naître d’un seul principe[2]. « Il est aisé de démontrer, premièrement que dans les livres des Principes, ce qui est hérétique et digne de censure n’est ni une ni deux propositions de celles qui sont étrangères au sujet, c’est le corps même de la doctrine, c’est la substance de l’ouvrage, ce sont les propositions fondamentales sur lesquelles tout le système porte, et qu’on ne saurait détacher sans renverser tout l’édifice. On peut démontrer en second lieu, que les mêmes erreurs qui infectent les livres des Principes, se trouvent répandues dans tous les autres du même auteur : de manière que c’est par tout le même esprit qui règne, partout les mêmes idées qui se manifestent. Pour les lui ôter, il faut détruire jusqu’aux premiers élémens de sa doctrine[3]… Tel est le sort de quiconque ose tenter une nouvelle route en matière de religion : une suite épouvantable d’abîmes et de précipices s’ouvrent sous chaque pas qu’il fait. Plus il a d’esprit, plus l’envie de raisonner conséquemment lui fait dévorer d’absurdités ; et ce qui d’abord ne paraissait qu’une singularité légère et indigne d’être relevée, devient enfin le renversement général de tous les dogmes. Tant il est funeste d’inventer lorsqu’il s’agit simplement de croire[4]. » L’auteur qui me fournit ces paroles dit ceci en un autre endroit : « Ce qui mérite principalement d’être observé, c’est la liaison imperceptible et néanmoins réelle de toutes ces erreurs, dont l’une a obligé son auteur de se jeter dans l’autre, et d’imaginer en même temps cette effroyable multitude de nouveautés dont son système est composé. Car, comme saint Jérôme l’a fort bien dit en traitant de cette matière, il ne faut pas croire qu’Origène ait été un insensé ni un esprit faible ;[* 1] et la plupart de ceux qui l’ont lu n’y auraient pas trouvé ces fréquentes contradictions dont ils l’accusent, s’ils s’étaient plus appliqués à l’étudier. Il est vrai que le livre des Principes, tel que nous l’avons aujourd’hui, n’est pas toujours bien d’accord avec le reste de ses ouvrages ; mais ce n’est pas à l’auteur qu’on s’en doit prendre[* 2]. Personne n’ignore les peines que Rufin s’est données pour ôter de sa traduction ce qui lui paraissait capable de la faire condamner en Occident. Ce n’est que de cette façon qu’Origène combat quelquefois en latin les erreurs qu’il établit en grec, dans ses autres livres. Du reste on ne le trouvera point du tout contraire à lui-même, pourvu qu’on remonte à la source de ses idées, et qu’on cherche pour ainsi dire, la clef de ses écrits ; car il y en a une assurément, et il ne faut s’imaginer que tant d’hérésies différentes soient autre chose que les suites d’un premier égarement, qu’il ne paraît point qu’on se soit jusqu’ici assez attaché à découvrir[5]. » Le père Doucin propose ensuite ses conjectures, et la manière dont il conçoit l’enchaînement de la doctrine d’Origène. Cela mérite d’être lu dans l’original.

  1. * Non est fatuus Origenes. Et ego movi contraria sibi loqui non potest. Hier. Apol., l. 2.
  2. * Quæ cum legissem contulissemque cum græco, illicò animadverti quæ Origenes de Patre et Filio et Spiritu Sancto impiè dixerat, et que remanæ aures ferre non poterant, in meliorem partem ab interprete commutata. Hier. Apol., l. 1. Si ideò interpretaris ut eum hæreticum arguas, nihil de græco mutes. Ib., lib. 2.
  1. Il les composa l’an 217. Voyez le père Doucin, ubi infrà.
  2. Doucin, Histoire de l’Origénisme, p. 31.
  3. Là même, pag. 36.
  4. Là même, pag. 37.
  5. Doucin, Histoire de l’Origénisme, pag. 323 et suiv.

(H) Quelques-uns de ses sectateurs