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ORIGÈNE.

avait plus de soixante, premier que de se déterminer dans ses écrits, et qu’il a pu avoir des erreurs sans être hérétique, ne les ayant jamais retenues avec opiniâtreté, ni défendues par la rébellion, puisqu’elles n’ont été condamnées qu’après sa mort, et que même il en avait fait pénitence durant sa vie. C’est donc en vain que vous tâchez d’animer contre moi tout ce qu’il y a de maîtres en théologie ; ce jeune comte me rassure, qui m’apprend qu’il avait le pape de son côté[* 1], avec un grand nombre de ceux qui composaient le sénat apostolique, pendant que quelques esprits envieux murmuraient de ses propositions. En tout cas, si par votre crédit et par vos sollicitations, j’avais à tomber dans la disgrâce du sacré conclave, j’aimerais encore mieux que ce fût pour avoir mis innocemment un docteur extraordinaire dans le catalogue des saints, sans approbation et sans aveu, que pour m’être opposé, comme vous, à la gloire de ceux qu’il a canonisés, tâchant, par le plus sacrilége de tous les attentats, d’en effacer les noms, et du calendrier de l’église et de la mémoire des hommes[1]. Cela ne méritait point d’autre réponse que celle-ci : Apprenez-lui[2] quelle différence il y a dans le style de la cour et de l’église romaine, entre un consistoire et un conclave. C’est une faute pardonnable à un novice. Le mal est que, dans tous ces égaremens où il s’emporte hors de la route de notre dispute, il n’a pu rien trouver qui nous fasse voir que ce soit le style des hommes savans dans l’antiquité, de dire saint Origène.

Le père Adam se voulut mêler de l’apologie de Cottibi sur cet article, et s’en acquitta si mal, qu’on ne vit jamais peut-être des tours de sophiste plus impertinens. Le passage que je m’en vais citer est un peu long ; mais comme il contient des faits qui appartiennent à l’histoire d’Origène, et que d’ailleurs il pourra servir de remède aux écrivains qui se jettent à travers champs, je n’en ai voulu rien retirer. Voici donc comment M. Daillé parle au jésuite Jean Adam[3] : « Sentant que ce lieu[4] est fâcheux, vous vous gardez bien d’y faire ferme ; et comme vous êtes hardi et délibéré, tout ce que le peut être un homme de votre robe, abandonnant ce poste incommode, vous vous jetez sur moi à belles injures, à votre ordinaire,[* 2], m’accusant d’ignorance et d’une audace magistrale, qui n’est qu’une tumeur, et non pas une science et un embonpoint. Puis[* 3] m’ayant prié de peser ce que vous m’allez dire, vous me faites une leçon de la différence qu’il y a entre les personnes errantes, et les erreurs, où vous mêlez saint Augustin et saint Jérôme, Jansénius et saint Cyran, et leurs opinions. De là vous tombez sur Origène, et sur les erreurs dont il a été soupçonné, et notamment de l’arianisme, dont vous dites que saint Athanase l’a mis à couvert. Puis[* 4] vous louez l’incomparable innocence de sa jeunesse, sa chasteté, son zèle ; vous dites[* 5] que si j’ai lu l’histoire, je sais bien que, voyant conduire les martyrs au supplice, il sortait de sa maison, et se jetant à genoux devant les bourreaux, les conjurait de lui couper la tête avec les autres chrétiens. Vous dites encore que je sais bien qu’il a rempli le monde de ses ouvrages ; que son père et sa mère ont été martyrs ; et que souvent sa mère, tirant le rideau de son lit lorsqu’il dormait, baisait la poitrine de son fils, avec ces paroles : Je baise le temple du Saint-Esprit. Vous nommez saint Grégoire de Néocésarée, Chrysostome et Basile, qui l’ont fort estimé (je laisse passer Chrysostome, bien que plus jeune, devant saint Basile, pour vous montrer que je ne suis

  1. * Summi Pontificis et ex apostolico senatu complurium judicio contentus, videbar facilè et odium posse negligere, et convicia hominum improborum. In præfat. Apol.
  2. * Ad p. 267.
  3. * Ibidem, p. 268.
  4. * Pag. 269.
  5. * Pag. 270.
  1. Cottibi, Réplique à M. Daillé, pag. 222 et suiv.
  2. Daillé, s’adressant au père Adam, Réplique à Adam et à Cottibi, IIIe. part., chap. IX, pag. 191.
  3. Daillé, là même.
  4. C’est-à-dire la supposition que Cottibi était tombé dans une équivoque.