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NAUSITHOUS. NAZIANZE.

tout le monde, la naïveté d’Homère, et la différence qui est entre le caractère de son siècle, et celui du nôtre.


NAUSITHOUS, roi des Phæaques. Voyez l’article Alcinous, tom. I, pag. 395.


NAZIANZE (Grégoire de), l’un des plus illustres pères de l’église, au IVe. siècle. J’en pourrais faire un très-long article ; mais comme il me faudrait répéter ce qu’en ont dit de grands auteurs [a], dont les ouvrages sont entre les mains de tout le monde ; et ont encore la grâce de la nouveauté, je serai très-court. On a fait une faute de chronologie en censurant Grégoire de Nazianze d’avoir écrit contre l’empereur Julien (A). Quelques critiques trop délicats prétendent qu’il a corrompu la pureté de la langue grecque, et donné lieu à la barbarie des théologiens latins (B). Ils se plaignent aussi de ce qu’on substitua ses vers grecs pour l’instruction de la jeunesse aux poésies des anciens païens, brûlées à l’instigation des prêtres (C) [* 1].


(A) On a fait une faute de chronologie, en censurant Grégoire de Nasianze d’avoir écrit contre l’empereur Julien.] C’est Cunéus, professeur dans l’académie de Leyde, qui est tombé dans cette faute. Voici ses paroles [1] : Fuit profecto, fuit Græcorum quorumdam, qui ed tempestate ecclesiam rexêre, magnâ imprudentiâ. Etenim, uti causæ suæ servirent, principem christianis infestunt lacessebant, quem tolerare satius fuisset. Sunt in hominum manibus orationes eorum, in quibus, tanquàm in scenâ, palàm eum omnibus ludibrium fecêre, et faciem illius, formamque corporis, atque gestus, tum alia fortuita, quæ vulgus et imperitissimus quisque notat, traxerunt in culpam. Qui viri, si meminissent temporum, quibus nati erant, sanè necessitati, quæ pertinax regnum tenet, sinè contumaciâ paruissent, et quod magnæ prudentiæ est, obsequio mitigâssent imperia. Cela fut relevé dans un écrit qui parut l’an 1690. « Un célèbre professeur, y trouve-t-on [2], a falsifié l’histoire, en accusant d’une fort grande imprudence les prélats dont nous avons encore les invectives contre Julien. Il eût bien mieux valu, dit-il, adoucir la nécessité des temps par une humble soumission, et supporter le chagrin de ce prince contre les chrétiens, que de l’irriter encore davantage. N’est-ce pas supposer que saint Grégoire de Nazianze, et saint Cyrille, les seuls dont Cunéus a pu parler, ont publié leurs invectives du vivant de cet empereur, ce qui est une fausseté toute visible ; car saint Grégoire n’a écrit les siennes qu’après la mort de Julien, et saint Cyrille n’a vécu qu’assez long-temps après la mort de ce prince. Où est donc la grande imprudence de ces deux prélats ? » Le père Pétau, dans l’épître dédicatoire de son édition des Œuvres de Julien, se fâcha beaucoup contre Cunéus, et lui reprocha entre autres choses l’ignorance chronologique rapportée ci-dessus. Voici ce qu’il dit après avoir copié les mêmes termes latins de Cunéus que j’ai allégués : Hæc ille non solùm imprudenter talibus de viris, sed etiam imperitè. Etenim græci illi patres, quos imprudentiæ arguit, quorumque contrà Julianum extare orationes asserit, sunt omninò duo. Gregorius

  1. * Joly dit que D. Liron, dans ses Singularités Historiques, I, 161, a fort bien prouvé la ridicule fable que les prêtres grecs avaient brûlé à Constantinople quantité de poëtes anciens : et tout en admettant Le témoignage de Liron, auteur du 18°. siècle, Joly, comme Leclerc, admet ceux d’Alcyonius et de Démétrius Chalcondyle, qui vivaient au seizième.
  1. M. Dupin, dans sa Nouvelle Bibliothèque des Auteurs-ecclésiastiques, tom. II, pag. 201 et suiv., édit. de Hollande, et M. Leclerc, au commencement du XVIIIe. tome de la Bibliothèque universelle.
  1. Cunæus, præfat. in Juliani Casares, pag. m. 119.
  2. Avis important aux Réfugiés, pag. 43, 44.