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MAHOMET.

épouser plusieurs femmes, il supposa que Dieu lui avait révélé que cela était permis. Il fallut donc qu’il insérât cet article dans son Alcoran. Mais parce que ses servantes lui donnèrent dans la vue, et qu’il coucha avec elles, il eut besoin d’une nouvelle révélation en faveur de l’adultère ; il fallut donc qu’il fît un article exprès touchant le concubinage des maris. Il n’avait encore que deux femmes, lorsque Marina sa servante, créature très-jolie, lui plut si fort qu’il coucha avec elle sans attendre qu’elle fût en âge nubile. Ses femmes le surprirent en flagrant délit, et s’emportèrent, il leur jura qu’il n’y retournerait plus, si elles voulaient se taire ; mais comme il viola ce serment, elles firent beaucoup de bruit, et sortirent de chez lui. Pour remédier à ce grand scandale, il feignit une voix du ciel qui lui apprenait qu’il était permis d’avoir affaire avec ses servantes. Voilà comme cet imposteur commençait par faire le crime, et finissait par le convertir en loi générale. Cela ne sent point le fanatisme. Une bonne pierre de touche pour connaître si ceux qui se vantent d’inspirations, soit pour débiter de nouvelles prophéties, soit pour expliquer les anciennes, l’Apocalypse par exemple, y procèdent de bonne foi, est d’examiner si leur doctrine change de route à proportion que les temps changent, et que leur propre intérêt n’est plus le même qu’auparavant[1].[2] Id quoque notandum (je me sers de l’autorité d’un célèbre théologien) leges istas in suorum facinorum patrocinium, excogitatas ab ipso semper fuisse post commissa illa, non ante ; ut ita manifestissimè liqueat, ista in criminum suorum excusationen vel defensionem ab eo commenta dolo pessimo fuisse[3].... Tale istud quod de Muhamede narrant, eum cum puellâ formosâ, sed infrà ætatem, Marinâ in adulterio deprehensum, à conjugibus suis Aasâ et Chadigâ juramento adactum promisisse, modò tacerent, ab isthâc puellâ posthàc abstenturum, verùm quod non servârit : quarè illæ eum deseruerint, et ad patrias reversæ sint ædes. Quem tumultum ut sedaret iteràm more solito divinum commentus hoc responsum fuit, quo est cap. de prohibitione, quo datur viris cum ancillis congrediendi potestas (ancilla quippè Muhamedis erat etiam illa Marina,) quandò et quousquè libuerit, nequidquàm reclamantibus et æmulantibus uxoribus. Sed jam antè hanc confictam legem id facinus commiserat, et fidem de non committendo interposuerat, perjurus adulter et stuprator [4]. Avec une impudence dont on ne saurait s’étonner suffisamment, il supposa que Dieu défendait l’inceste aux autres hommes, mais qu’il le lui permettait par une grâce particulière. Aliis severè ipsè interdicit, cap. de mulieribus, ne quascunque et consanguineas ducant : ne commisceamini cum mulieribus, quæ cognitæ fuerunt a patribus vestris, quoniam turpe est et malum, et iniquum : prohibitæ sunt vobis matres vestræ, et filiæ fratris vestri, et filiæ sororis vestræ, etc. Sibi verò licentiam tribuit, quasi ex oraculo divino, quamlibet potiundi, cap. de hæresibus, vel sectis. O propheta, nos certè concedimus tibi, inquit ei Deus, potestatem in uxores tuas omnes quibus dederis mercedes suas, et quascunque acceperit manus tua, et filias patrui tui, et filias amitæ tuæ, et filias fratris matris tuæ, et filias materteræ tuæ, quæ peregrinatæ sunt tecum, et quamcunque mulierem credentem, quæ se tibi prophetæ prostituere voluerit, idque tibi speciatim, et singulariter conceditur ; non verò aliis quibuscunque. Dignum certè prophetâ privilegium ! Et post, copulare cum quâcunque ex illis tibi libuerit, et tecum fac inhabitare quamcunque volueris, et non erit tibi crimini, vel ad hanc accedere, vel ab illâ recedere. Hoc autem parùm est : verùm etiam gratum habeant ipsæ quidquid tibi libuerit, et non contristentur, et complaceant sibi de quâcunque re quam illis dederis. Propudium hominis ! sibi primas in promiscuâ et turpissimâ libi-

  1. Voyez la remarque (NN).
  2. Hoornbeek, Summa Controvers., p. 117.
  3. Idem, ibidem, pag. 118.
  4. L’auteur nous renvoie à Jean André, Confus. Muham, c. 7 à Philippo Guadagnol. contra Ahmedam Persam, c. 5, sect. 4, et c. 10. sect. 2 et 4. et à Vincent de Lerins Specul. Histor., I, 24. Il fallait dire Vincent de Beauvais.